Paoline Ekambi: ” On n’oublie jamais la blessure de l’inceste”

 

Ancienne basketteuse talentueuse sous les couleurs, entre autres, du Stade français, Villeurbane, Bordeaux, Clermon-Ferrand… et l’une des joueuses les plus capées.254 sélections, 2321 points) ennéquipe de France avec laquelle elle a été vice-championne d’Europe en 1993. Un record de sélections qui a tenu 20 ans.

Paoline Ekambi, 61 ans aujourd’hui, a été victime d’un inceste de longue durée à l’adolescence  et de violences familiales répétées. Son père l’avait violée pour la première fois à l’âge de 13 ans. Et sa mère, en toute connaissance de cause, s’est montrée  le moins que l’on puisse dire complice et lâche.

Des parents qui sont morts sans même lui avoir demandé pardon. C’est cette destruction au long cours et à petit feu  que Paoline  vient d’évoquer  dans un ouvrage à la fois édifiant et  émouvant intitulé “Ma promesse en héritage“, avec la collaboration de la journaliste Lilianne Trévisan,  paru le 18 avril 2024 aux éditions Amphora.

Son histoire rejoint celles de dizaines de milliers d’autres en France. La basketteuse au palmarès remarquable, la femme  digne qu’elle est devenue,  n’arrive pas  à pardonner à la justice de son pays  qu’elle juge “très bienveillante avec les agresseurs” alors que les “victimes sont condamnées à perpétuité “.Puissant témoignage.   Fayçal CHEHAT

 

Depuis que j’ai été victime d’inceste, je mène un long combat. J’ai toujours écrit toutes mes pensées, mes colères, balancé mes émotions dans un carnet. J’avais déjà un manuscrit  avant de contacter Amphora (sa maison d’édition). Le déclencheur a été une pétition en 2021, dans laquelle j’ai découvert des chiffres.Plus de 6 millions de Français ont déclaré avoir été victimes d’inceste. 160 000 enfants le sont chaque année...

Grâce à lui (le basket), j’ai compris  qu’il fallait que je sois la capitaine de ma propre existence. C’était une porte vers la liberté. Je suis passée de la colère à la rage de vaincre. Je devais réussir pour me sortir de l’emprise malsaine de mes parents, m’éloigner de la maison. Je me suis aussi réapproprié mon corps. Il y a eu des moments très douloureux de solitude. Je pleurais à chaudes larmes, je hurlais par les fenêtres. Cela remonte avec beaucoup d’émotion. Aujourd’hui encore, je lutte.On n’oublie jamais cette blessure. C’est  un handicap , une infirmité invisible.

Je n’ai plus de douleur, je l’avais tant que mes parents étaient vivants. Parfois, j’ai des crises d’angoisse. Quand je les vois venir, je fais une pause. Je reste dans mon coin. Je regarde une connerie qui m’apaise, comme “Columbo”. Je ne sors pas avec mes problèmes, je les laisse chez moi. Je sors pour faire la fête, me vider les idées. Ce qui peut tout faire remonter à la surface, c’est la douleur des autres. Pas seulement l’inceste mais aussi des histoires comme celle de Judith Godrèche.Ça me retourne. Cette société est tellement violente. Chacun d’entre nous doit être acteur du changement“.

(Propos extrait du long entretien accordé par Paoline Ekambi au quotidien “Le Parisien “daté du 19 avril 2024)

 

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