Nawal El Moutawakel : Une femme d’influence
La championne qui a mis l’athlétisme féminin marocain sur la carte du monde au début des années 80 en remportant le titre olympique du 400 m haies au J.O de Los Angeles est devenue une personnalité qui compte dans la planète sport. Portrait.
Tout est allé vraiment très vite pour la belle native de Casablanca. Alors qu’elle dominait le sprint local de la tête et des épaules depuis la catégorie cadette, Nawal El Moutawakel décide en 1981, suivant les conseils de Jean-François Coquard, un entraîneur français, de se lancer dans le 400 m haies.
Les résultats sont probants et après seulement quelques mois d’entraînement, elle réalise un intéressant et encourageant 56’’ 23. Mais c’est aux Etats-Unis, où elle s’installe pour poursuivre des études sportives, qu’elle effectue le bond en avant qui va l’aider à entrer dans une nouvelle galaxie. À la veille des Jeux olympiques de Los Angeles, son meilleur chrono est alors de 55’’37. C’était une très honorable performance, mais elle ne faisait pas de la Marocaine une favorite de l’épreuve. Signe des Dieux, les Soviétiques Margarita Ponomaryova et Yelena Filipishina, qu’on disait très affûtées, ne seront pas de la fête américaine pour cause de boycott décrété par le gouvernement russe en réponse au boycott américain des Jeux de Moscou quatre ans auparavant.
Lors de la semaine olympique décisive, les affaires de la Chérifienne démarrent moyennement. Ni dans les séries, 3ème temps derrière Skoglund Coscaru et Li Sha, ni en demi-finale, 4ème chrono, Nawal ne se montre à son avantage. Pour certains observateurs, une place en finale serait déjà une belle réussite. En réalité, la jeune Bidaouie n’a pas tout donné et ne l’entend pas de cette oreille.
Une fulgurance sous le ciel de Californie
Dans la course décisive, elle prend sa chance sans complexe et décolle des starting-blocks comme une fusée. Elle part si bien et si vite que pendant une partie de la course elle pense avoir fait un faux départ. Quand elle se retourne, elle voit l’Américaine Judi Brown et la Roumaine Cristeana Cojocaru à une bonne longueur. Elle comprend alors que la victoire est possible et qu’elle n’est pas dans le rêve. Elle donne alors un dernier coup de rein et franchit la ligne d’arrivée en 54’’61. Nouveau record d’Afrique et de Méditerranée. Al Moutawakel devient alors la première femme arabe, africaine et de la rive sud de Méditerranée à monter sur la plus haute marche d’un podium olympique.
L’exploit est colossal et la date mémorable. Les larmes aux yeux, répondant, bras levés, aux salutations du public, elle s’empare du drapeau rouge frappé d’une étoile verte pour faire un tour d’honneur émouvant. Pour le sport féminin marocain, il y a désormais l’avant et l’après Nawal. Pour cette région du monde, elle devient le symbole du possible féminin. Dans ce moment de grand bonheur, ses premières pensées vont à son père décédé quelques mois plus tôt dans un accident de la route. Cette médaille d’or, elle la doit à celui qui était son guide et son phare. Celui qui l’avait encouragé à faire de la compétition dans une société prude où le port du short pour une femme est presque un sacrilège.
Mais Nawal ne va pas tarder à s’apercevoir qu’au niveau de la performance, elle venait sans doute de comprendre quelle avait fini de manger son pain blanc en Californie. En effet, une série de mauvaises nouvelles va lui gâcher la vie..
D’abord, il y a cette blessure qui la cloue et la condamne à l’inactivité. Soignée sur ordre du Roi Hassan II par les meilleurs praticiens du pays, Nawal revient petit à petit sur les pistes des stades. Puis un nouveau drame la replonge dans le doute. En effet, le 25 novembre 1985 son équipe d’athlétisme de l’université disparait dans un accident d’avion. Parmi les victimes, des proches : l’entraîneur Ron Renko et son assistant Pat Moynihan.
L’élan coupé à Rome en 1987
De blessures physiques en blessure morales, la native de Casablanca traine sur les pistes comme une âme en peine. En 1987, elle touche le fond. A Rome, lors de la deuxième édition des championnats du monde, elle termine sa série du 400 m haies en marchant. Une ancienne blessure réveillée gâche la fête. Devant tant de contrariétés, elle prend son courage à deux mains et décide de mettre fin à sa carrière d’athlète de haut niveau.
En 1989, études de kinésithérapie terminées à ‘Université de l’Iowa, elle quitte les Etats-Unis pour le Maroc et s’aperçoit que son charme et sa notoriété opèrent toujours. Son passage au firmament mondial, aussi court fut-il, a laissé de belles traces. Grâce à son travail et son influence, les femmes sont de plus en plus nombreuses à frapper aux portes des clubs dans le Royaume. Comme pour prolonger la source. C’est décidé, la suite de sa carrière se fera toujours dans l’univers du sport et lui fera vivre des projets exaltants.
Une deuxième vie flamboyante après la piste
Première arabe et africaine championne olympique, elle est également la première à faire son entrée dans les conseils exécutifs du Comité International Olympique (CIO) et de la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF). Sur le plan national, elle va exercer des responsabilités élevées. En effet, elle est nommée secrétaire d’État auprès du ministre des affaires sociales chargée de la jeunesse et des sports, en mai 1997, poste qu’elle conservera jusqu’en mars 1998. Avant de devenir, entre le 15 octobre 2007 et le 29 juillet 2009, une brillante ministre de la Jeunesse et des sports dans le gouvernement Abbas El-Fassi Le CV de la Marocaine est long comme le bras. Une vraie femme femme d’influence. En clair, la Marocaine est l’atout cœur du sport féminin international. Au delà de son pays, du continent africain et de la sphère méditerranéenne. Nawal est une femme monde.
@Salima Ayachi
Commentaires