Zeina Daccache, thérapeute et dramaturge engagée
Actrice de talent, devenue dramaturge iconoclaste de génie, Zeina Daccache s’est installée presque à demeure dans les prisons du Liban pour mettre en place des ateliers de théâtre thérapeutiques. L’idée s’est imposée à elle à partir de 2005 lors d’un séjour aux Etat-Unis suivi d’une formation universitaire dans ce même pays. Sa pièce de théâtre récente « Li Chabakna Ykhallesna » est à l’affiche (ci-dessous) en ce début d’année dans la capitale du pays du Cèdre.
Soucieuse de savoir comment elle pouvait aider à s’exprimer les « sans voix », l’artiste, au cursus universitaire conséquent, elle a étudié à l’université Saint Joseph de Beyrouth, à l’Ecole Philippe Gaulier de Londres et à KSU aux Etats-Unis, pensa naturellement à agir en milieu carcéral où se concentrent tous les maux et les handicaps d’une société libanaise traumatisée par les différents conflits interieurs et les multiples agressions dont elle est toujours victime depuis le mitan des années 70 de triste mémoire, jusqu’à nos jours. Désormais, Zeina Deccache affiche sur sa carte de visite des activités multiformes: actrice, scénariste, dramaturge, productrice, réalisatrice et thérapeute par le théâtre.
Dès 2007, elle crée « Catharsis« , le Centre libanais pour le théâtre thérapeutique, dont l’activité prend la forme d’actions thérapeutiques à base de sessions de quarante minutes, pluseurs fois par semaine. Ce travail artistique et thérapeutique entre les murs est devenu le sel de sa vie de créatrice engagée.
Car Zeina Daccache affirme qu’elle ne concoit pas sa vie de créatrice culturelle sans engagement humain et social. Comme elle l’a expliqué en 202o, au micro de France TV Info : » Je suis actrice, metteuse en scène, thérapeute, activiste. Pour moi on ne peut pas séparer. On ne peut pas simplement entrer en prison, faire un beau spectacle, en sortir ».
Et pour la native de Beyrouth, cet effort au profit des « sans voix » ne se limite pas aux interventions actives dans les prisons, il se présente aussi sous la forme de créations de pièces de théâtre et de documentaires courts et longs métrages. En quelque années, elle a conçu et produit avec son équipe : « Any » un film consacré aux femmes du Sud Liban au lendemain de la guerre de l’été 2006. Ont suivi : « 12 Libanais en colère » (2009), une pièce adaptée du film de Sydney Lumet « Douze hommes en colère », « Le journal de Schéhérazade » (2013), « Shebaik Lebaik« (2016),The Blue Immates » (2021). Ce dernier film décrit le processus de production d’une pièce de théâtre par internés de la prison de Roumieh.
Dans un bel enretien accordé au quotidien libanais, évoque Li Chabakna Ykhallesna de Zeina » sa dernière oeuvre coréalisée avec son partenaire Joseph Jules (ndlr, le doyen des détenus à perpétuité, libéré en 2020) . Dans la continuité de ce travail de titan qu’elle a commencé il y a une vingtaine d’années. Extraits.
« La pièce puise dans l’expérience des prisons, la mienne et celle de Joseph, qui y a passé plus de 30 ans, affirme t’elle, cela fait trois ans qu’il est sorti de prison, et moi, depuis 2018, je mène des projets à l’extérieur des prisons. Nos expériences personnelles, combinées au chaos ambiant de Beyrouth et du pays, ont contribué à la construction de cette pièce. C’est comme si l’on était en sécurité à l’intérieur de la prison« .

. « Dans cette pièce, nous sommes nous-mêmes. Nous ne jouons aucun autre rôle que nos propres expériences. La représentation reflète nos parcours personnels et psychologiques. Elle parle à chacun selon son rôle: que ce soit un citoyen, une mère ou encore un patient en quête d’un système médical décent et inexistant au Liban« ,
“Après avoir travaillé treize ans dans les prisons et effectué de la dramathérapie, je trouve essentiel de refléter cet aspect dans mon travail. Une fois leur thérapie accomplie, c’est à la société de commencer la sienne, et c’est là que l’artistique intervient. Le parcours d’une personne pourrait être raconté par une autre, qui devient un personnage dans une pièce. Je fais attention à ne pas mettre sur scène une partie de l’histoire qui touche encore la personne”.
Ce spectacle se laisse découvrir et apprécier .au Théâtre Le Monnot à Achrafieh de Beyrouth entre le 7 et le 23 février 2025.
@Samira Guellache
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