Salvatore Ruocco, adoubé par l’Amérique !
Salvatore Ruocco est désormais une valeur sûre d’un cinéma italien en train de remonter la pente après les années maigres de la décénnie 2000. Et l’enfant de Naples fait incontestablement partie des acteurs et actrices qui participent à cette renaissance et sont à la fois le présent et le futur de la créativité en pays transalpin.
C’est entre deux pauses du tournage de la série “Iris”, produite par Sky UK et réalisée par Terry McDonough qui se déroule en Sardaigne, que le sémillant italien à accepté avec gentillesse et élégance de répondre à nos questions.
Le choix de mettre à la une d’un website dédié aux femmes un acteur peut surprendre nos lecteurs et lectrices. Mais nous avions de bonnes raisons de le faire parce que celui qui a grandi au quartier Rione Sanità est un suiveur assidu voire passionné de Méditerranéennes Magazine et un défenseur attentif et engagé de la lutte des femmes pour leurs droits. Tous leurs droits.
Sa carrière commence clairement en 2008 quand il fait partie du casting du film événement , “Gomorra“, qui décrit une capitale prise dans l’étau puissant et dévastateur de la mafia.Une oeuvre étouffante du réalisateur Matteo Garrone dont s’inspirera la fascinante série (5 saisons) rendue très populaire en France par la chaîne payante Canal + entre mai 2014 et mai 2021.
Puis, en 2009, c’est un géant du cinéma hollywodien, Abel Ferrara, auteur, entre autres, des fameux The King of New York, Bad lieutenant et Nos funerailles, qui lui ouvre la porte d’un super casting et un rôle dans le film-dccumentaire Napoli, Napoli, Napoli. Cette entrée en matière n’était en fait que le début d’unc solide collaboration. Entre un réalisateur totem et l’acteur à la fois ambitieux et respectueux des valeurs, dont celle du travail bien fait, cela matche incontestablement.
L’aventure continue grâce à une oeuvre d’auteur, “L’Intervallo” (2012,) certes moins clinquante mais très importante sur le fond et par le style, signée Leonardo Di Costanzo. Salvatore Ruocco se voit offrir une nouvelle chance de briller en tournant au plus haut niveau. Le film est récompensé du prix David di Donatello du meilleur réalisateur débutant. Un long métrage très original, un quasi huis-clos, applaudi par la critique nationale et internationale. Salvatore Ruocci y campe le rôle de Mimmo.
Puis, Abel Ferrara tendra à nouveau la main au jeune Italien en 2021 en l’invitant à tourner dans le thriller ” Zeros and Ones”sorti à l’international en 2021 et récompensé la même année au festival de Locarno du prix de la mise en scène. Mais le meilleur est à venir pour l’ancien boxeur reconverti au cinéma, Lorsque Ferrara lui permet d’endosser en 2023 l’un des trois rôles les plus importants du long métrage Padre Pio, celui de Vincenzo, et de donner la réplique, excusez du peu, à deux grandes figures de Hollywood , en l’occurence Shia Saide LaBeouf et Willem Dafoe.
Cette dernière axpérience réussie fait comprendre à l’acteur formé aussi au théâtre à l’école Liberascenaensamble qu’il a une chance de se faire une place dans la grande machinerie américaine. Et cela se vérifie lrrsque le réalisateur et producteur américain, Antoine Furqa – le fameux Training Day, c’est lui – l’invite à jouer dans The Equalizer en compagnie de l’immense Denzel Washington.
En quatre semaines de commercialisation le film, tourné à Naples puis à Rome, a cumulé une recette de 200 millions de dollars.Un jack pot! Dans cet entretien exclusif, le comédien italien qui monte, et à l’évidence en train d’être adoubé par l’Amérique, se confie avec cette sobriété et cette pudeur qui lui vont si bien.
Méditerranéennes Magazine: En 2023 vous tournez « Padre Pio » sous la direction de l’illustre Abel Ferrara qui raconte un massacre survenu en 1920 qui fit 14 morts et 80 blessés à Monte Sant’Angelo dans les Pouilles après la Première Guerre mondiale. Guerre mondiale. Le meurtre de San Giovanni Rotondo, celui du Saint Padre Pio. C’était, selon l’intrigue du film, la naissance du fascisme.
Salvatore Ruocco: Tout le monde n’est pas au courant du massacre de San Giovanni Rotondo, une tragédie survenue pendant les élections. Le film “Padre Pio” éclaire également cette partie de l’histoire. Pour ce film, j’ai étudié l’ensemble de l’événement en profondeur.
Ce fut un premier grand tournant dans votre jeune carrière ?
“Padre Pio” est l’un des films qui ont rendu ma carrière la plus stimulante. Mon personnage s’appelle Vincenzo et c’est un soldat, et il est décoré pour la guerre, un héros. En échange d’un œil, ils lui donnèrent une médaille. J’ai mis beaucoup d’efforts dans mon caractère : j’ai perdu environ 10 kg. J’ai étudié toute l’histoire en profondeur, en étudiant l’anglais, parce qu’Abel Ferrara voulait que nous jouions dans cette langue, et en m’entraînant à “voir” avec un seul œil, puisque mon personnage n’en a qu’un. La sortie du film en Amérique m’a permis de m’y faire connaître aussi. Chaque fois que vous travaillez avec Abel Ferrara, c’est un moment déterminant dans votre carrière.
Avec ce film, vous avez réussi à gagner sans aucun doute la confiance et le respect de Ferrara : “Je ne cesse de l’étudier, c’est un génie”, dites-vous. Avec qui vous entretenez désormais une relation personnelle.
C’est le cinquième projet que je réalise avec Abel Ferrara. Il est très exigeant avec les acteurs. Quand un réalisateur comme Abel vous choisit, c’est que vous avez du talent. Chaque fois qu’Abel m’implique dans un de ses projets sans même me faire passer une audition, c’est pour moi comme gagner un prix. Quand je travaille avec lui, je l’étudie attentivement. Il y a beaucoup à apprendre d’un maître comme lui. Nous avons une excellente relation.
Ce film vous a aussi laissé un autre souvenir indélébile. Lors de la soirée organisée en l’honneur de sa présentation à la Mostra de Venise, vous avez reçu un hommage d’un certain Tony Garnier qui n’était autre que… Parlez-nous-en...
Après la projection à la Mostra de Venise, il m’est arrivé un épisode curieux qui m’a rendu heureux. Un monsieur s’est approché de moi et m’a comblé de compliments, et je l’ai remercié. Alors la femme de Ferrara m’a dit : “Tu sais qui est ce type ?”. “Non,” répondis-je. “C’est Tony Garnier, le bassiste de Bob Dylan.” J’étais très heureux.
Mi-juin, vous avez annoncé que vous aviez été sélectionné au casting de , l’un des réalisateurs de séries célèbres telles que “Breaking Bad” et “Better Call Saul »…Un saut d’une qualité impressionnante qui vous place en quelque sorte dans le cercle des jeunes acteurs bankables ?
Travailler avec Terry McDonough sur un projet écrit par Neil Cross, auteur et scénariste de nombreuses séries à succès, dont la série “Luther”, lauréate d’un Golden Globe, me rend vraiment heureux. Terry est fantastique, j’ai aussi rencontré Neil, une personne vraiment extraordinaire. Travailler avec eux est merveilleux, c’est comme une famille.
Il semble pourtant que vous entrez dans ce nouveau monde à la fois avec fierté mais aussi avec humilité, comme le démontre le message que vous avez posté lors de votre embarquement pour Londres : « Entraînez-vous sans relâche, souffrez en silence, endurez sans vous inquiéter et ne vous sentez jamais épanoui ( …). ) J’ai rencontré des acteurs de renommée mondiale qui avaient de l’humilité à revendre ; nous devons apprendre d’eux à rester humbles et déterminés, car seuls ceux qui ont un cœur pur et un esprit fort peuvent véritablement atteindre les étoiles. C’est d’une telle clarté…
En effet, à ceux qui me demandent conseil, je réponds toujours : pour rester bien ancré, il est indispensable d’avoir une paire de chaussures solides. Et surtout, il est essentiel de toujours garder l’humilité.
Quand la porte de la grande famille du 7ème art est entrouverte pour vous, on a l’impression que vous êtes comme un enfant qui découvre l’univers de toutes ses légendes préférées et ressent admiration et respect. Racontez-nous l’expérience professionnelle partagée sur Equalizer 3 avec Robert Richardson, le seul directeur de la photographie récompensé par trois Oscars...
Dans “The Equalizer”, c’était comme un rêve devenu réalité. J’ai noué une très belle relation avec Antoine Fuqua ; c’est un réalisateur fantastique. J’ai eu le plaisir de rencontrer Denzel Washington, une personne humble et serviable. Robert Richardson m’a aussi beaucoup intrigué ; Je l’ai regardé avec admiration.
Quel type de cinéma préférez-vous : comédie, historique, action-aventure, thriller, politique… Et pourquoi ?
Je préfère le genre policier pour sa capacité à tenir le spectateur en haleine et à créer du suspense et des émotions intenses. Je suis fasciné par la complexité des intrigues, les rebondissements et les nuances psychologiques des personnages. Je trouve que le thriller est un genre très prenant qui pousse à réfléchir et à essayer d’anticiper les évolutions de l’histoire. Mais j’aime aussi la comédie, l’histoire, le film d’action…
Le cinéma italien a vu des acteurs devenir des légendes mondiales. Pour ne citer que les plus impressionnants : Alberto, Sordi, Marcello Mastroianni, Vittorio Gassman, Totò, Nanni Manfredi etc. Y en a-t-il un qui vous a particulièrement marqué ?
J’aime tous ces acteurs, mais en particulier Totò et Mastroianni. Totò parce que je crois que c’est un comédien avec un talent immense et unique, et aussi je suis né dans le même quartier où il a grandi, un immeuble en premier. Mastroianni parce que c’est un acteur extrêmement charismatique ; il peut communiquer même sans parler. Il a un talent extraordinaire pour transmettre l’émotion à travers le silence, l’action et les non-dits.
Et parmi ceux d’aujourd’hui, quels sont les noms à retenir ?
Salvatore Ruocco, ha ha ha !
Parlons des actrices, italiennes en premier. De l’âge d’or de Cinecittà des années 50 aux années 80, vous n’y êtes certainement pas né, mais lesquels resteront marqués voire déformés ?
Des actrices telles que Sophia Loren, Gina Lollobrigida, Claudia Cardinale et Anna Magnani sont des icônes du cinéma italien, dont le talent et la beauté ont laissé une marque indélébile au niveau international, contribuant de manière significative à l’histoire du cinéma avec des rôles profonds et mémorables.
Les cinémas américain et français connaissent une période mouvementée où les comportements et pratiques des hommes – acteurs, producteurs, réalisateurs etc- vis-à-vis des femmes sont jugés répréhensibles et sont fortement remis en question. Une révolu tion qui laissera sans aucun doute des traces. Que vous inspie cette nouvelle donne?
Une révolution significative qui laissera sûrement des traces. Ce changement inspire de profondes réflexions sur la responsabilité, l’éthique et la nécessité de créer des environnements de travail sûrs et respectueux pour tous dans l’industrie cinématographique.
Sur ce plan, le cinéma italien semble moins effervescent. Est-ce vrai ou est-ce juste une impression, vue de loin ? Même si les violences faites aux femmes ne laissent pas indifférentes toutes les couches de la société, comme en témoigne l’incroyable succès du film “Il y a encore demain” qui a attiré près de 7 millions de spectateurs en salles en seulement quelques mois en 2023. Avez-vous vu le film de Paola Cortellesi?
Le cinéma italien est confronté à des défis différents de ceux des cinémas américain et français, mais il n’en est pas moins dynamique pour cette raison. Le succès de films comme “Il y a encore demain” démontre que des questions importantes telles que la violence contre les femmes continuent de résonner profondément auprès du public italien, attiré par des histoires significatives et bien racontées comme celle de Paola Cortellesi.
Et vous, comment vivez-vous cette période mouvementée, presque révolutionnaire, dans les relations entre les femmes et les hommes ?
Personnellement, je vis cette période de changement dans la relation entre les femmes et les hommes avec une réflexion profonde et un engagement renouvelé en faveur de la promotion de l’égalité des sexes et du respect mutuel.
Quelles sont les autres passions du grand acteur en devenir comme vous ?
J’aime lire, collectionner des objets vintage et boxer.
Dans le dernier film, vous avez suivi une période d’entraînement intense pour jouer le rôle d’un boxeur… Le sport a-t-il une place importante dans votre quotidien ?
Le sport a certainement une place importante dans ma vie quotidienne. Cela m’aide non seulement à maintenir ma forme physique, mais aussi à me concentrer, à gérer le stress et à maintenir un équilibre mental positif.
Nous avons l’impression que pour vous l’amitié est une valeur essentielle, toujours forte sur les terres méditerranéennes. C’est ce que l’on ressent en lisant le message que vous avez posté le 22 mai dernier en hommage au décès de votre ami Gaetano…
Gaetano a été pour moi une figure fondamentale. Nous avons commencé presque ensemble et j’ai beaucoup appris de lui. C’était un producteur extraordinairement talentueux. Son absence est encore difficile à croire et je ne l’oublierai jamais.
Quelles bonnes choses attendez-vous dans les années à venir ?
J’attends plus de paix dans le monde et une plus grande sérénité.
Vous avez des origines napolitaines. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur cette ville emblématique italienne en particulier et sur la Méditerranée en général ?
Naples est une ville emblématique, riche en histoire, culture et traditions uniques. Son esprit vibrant et sa beauté sont célébrés dans le monde entier. La Méditerranée, dans son ensemble, représente pour moi une source d’inspiration inépuisable : la mer, la gastronomie, la musique et l’hospitalité chaleureuse sont des éléments qui rendent cette région si spéciale et fascinante.
#Propos recueillis par Fayçal CHEHAT
LE PREFERENZE DI SALVARORE
Ton livre : Uomini e Topi di John Steinbeck
Ton film: Toro Scatenato di Martin Scorsese
Ta série: Luther
Ta chanson : Wonderful World Brano di Sam Cooke
Ta ville : Napoli
Ton peintre : Van Gogh
Ton acteur: Marlon Brando
Ton actrice : Marylin Monroe
Ton parfum: Incenso
Ton sport : la boxe
Ton talent caché : Créer des belles choses avec rien
Ton voyage inoubliable : Paris !
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