Marjane Satrapi, si humble dans la résistance
La mort de la jeune étudiante Mahsa Jina Amini le 16 septembre 2022 sous les coups infligés par la brigade des moeurs du régime des Mollahs suivie de manifestations monstres et d’une repression tout aussi féroce qui fit 551 personnes dont de nombreuses femmes avait particulièrement touché la dessinatrice de BD, peintre, réalisatrice Marjane Satrapi.
Connue mondialement pour la qualité de ses oeuvres dont l’engagement est toujours sous jacent, à l’image du film “Persepolis“, adapté de la BD du même nom, la native de Rascht (54 ans) en Iran avait riposté dans la foulée en réalisant un superbe roman graphique intitulé “Femme Vie Liberté”. *
Le bel ouvrage est le fruit de la collaboration sous la direction de Marjane de trois spécialistes de l’Iran et de 17 jeunes talentueux (ses) de la bande dessinée originaires d’Iran, d’Amérique latine et d’Europe.Il est paru le 14 septembre 2023 par les éditions de L’Iconoclaste. Soit deux jours avant le premier anniversaire du début des tragiques événements qui ont endeuillé Téhéran et les provinces iraniennes.
Dans un bel entretien sorti il y a deux jours dans les colonnes du journal madrilène El Pais, l’artiste aux multiples talents revient sur quelques sujets chauds qui concernent l’Iran et la lutte des femmes pour leurs droits élémentaires. Morceaux choisis.
Sur le féminisme.
« Je suis une féministe factuelle, pas une castratrice.J’ai toujours refusé d’aller aux festivals de littérature ou de cinéma féminins. Les films comme les livres, je les fais avec cette partie de mon corps. Mes seins et mon sexe n’ont rien à voir là-dedans.
“Si je suis apprécié, je veux que ce soit en tant que cinéaste, pas en tant qu’homme, femme, hermaphrodite. S’il y a des fêtes pour les hommes et les femmes, faisons-les pour les noirs et les blancs. Ou petit et grand, car, je vous l’assure, si vous mesurez un mètre et 10 ou un mètre et 50, vous n’aurez pas la même vision du monde. Ce sont des ghettos ! Ce féminisme ne m’intéresse pas du tout.”
Sur le voile
« Le voile est un symbole de soumission des femmes. C’est dire: “Je suis un objet sexuel, je dois me couvrir car sinon l’homme aura une érection”. Et ça commence à six ans, car à cet âge-là, ça peut déjà exciter un homme. Vous voyez la perversité de la chose…
” Enlever le voile est important. Cependant ni la gauche ni les féministes occidentales ne nous soutiennent, parce qu’elles se sont mis dans la tête que l’islam et les musulmans sont une seule et même chose : si l’islamisme attaque, il attaque les musulmans. »
Sur son influence en tant qu’artiste : “Faire des manifs et signer des manifestes, c’est bien, mais ça a peu d’impact. Il reste le livre. Mais Il faut être humble face à l’influence d’un livre, d’une chanson ou d’un film. J’en ai vendu des millions avec Persépolis et je ne sais pas combien de centaines de conférences j’ai données. Ai-je changé quelque chose ? Qu’est ce que je sais? Ai-je éveillé la curiosité des gens ? Oui, j’ai contribué un peu. Juste un petit peu, même si c’est la seule manière de changer le monde.”
(Extraits de l’entretien paru dans les colonnes du quotidien espagnol” El Pais” daté du 29 novembre 2023)
@Fayçal CHEHAT
* Slogan utilisé à l’origine par le mouvement de la résistance kurde, “Zan, Zendegi, Azadi” repris depuis septembre 2022 avec force par les manifestant(e)s iranien(ne)s. Une reprise qui lui a donné une résonnance mondiale.
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