Football féminin :Y viva España !
Quatre sélections « méditerranéennes » (Espagne, France, Maroc, Italie) ont récemment pris part à la CDM féminine qui se tenait en Australie et en Nouvelle-Zélande. Et c’est la « Roja » qui l’a emporté à l’issue d’une campagne compliquée en interne. Retour sur une compétition pleine d’enseignements pour les joueuses du pourtour méditerranéen…
Elles sont les nouvelles reines d’une discipline qui, jusqu’à présent, n’avait jamais sacré un pays issu du bassin méditerranéen. Fait exceptionnel, les filles de la Roja auront décroché ce sacre à l’issue d’une troisième participation seulement.
Emmenées par Jorge Vilda, les coéquipières de ont, outre la récompense collective ultime, décroché trois trophées individuels : le ballon d’or du tournoi pour Aitana Bonmati, le Ballon d’argent pour Jennifer Hermoso, enfin le trophée de meilleure jeune joueuse pour Salma Paralluelo, promise à un avenir doré après avoir déjà été sacrée en CDM U17 puis U20.
La Roja a brouillé les cartes
Sans surprise, c’est le FC Barcelone qui délègue ses huit meilleurs éléments à la sélection. Les Catalanes pourraient être plus nombreuses dans le onze ibérique si certaines – on pense à la gardienne Sandra Panos– n’avaient pas refusé l’appel de la sélection en raison d’un différend important avec le sélectionneur Vilda.
Cette hostilité envers le coach ne date pas d’aujourd’hui, et de nombreuses cadres sont d’ailleurs ouvertement en conflit avec lui et sa méthode, une quinzaine ayant d’ailleurs écrit à la fédération pour réclamer son départ. Mais cela n’a pas empêché l’Espagne de conquérir cette couronne mondiale.
Qualifiées rapidement pour les huitièmes après leurs succès sur le Costa Rica (3-0) et la Zambie (5-0), les espagnoles ont ensuite été giflées par le Japon (4-0).
Après cet incident de parcours, elles ont battu la Suisse (5-1), les Pays-Bas après prolongation en quarts (2-1), la Suède en demie (2-1), pour terminer en beauté devant l’Angleterre (1-0) en finale.
Le football féminin en Espagne a pris une tout autre dimension depuis une demi-douzaine de saisons. Le professionnalisme établi en Liga F n’est pas un vain mot, et les principaux clubs (Barça, Real, Atletico Madrid) offrent des conditions de travail de qualité.
Le Barça au cours des dernières saisons a disputé quatre finales de Ligue des champions et remporté le titre en 2021 puis en 2023. Alexia Putellas, l’une de ses cadres, est d’ailleurs double Ballon d’or féminin en titre et l’on peut envisager, sans trop se tromper, que celle qui lui succédera au palmarès est l’une de ses coéquipières. Peut-être Aitana Bonmati.
Pour autant et on l’a compris, tout n’est pas rose. Le différend avec le sélectionneur n’a pas disparu avec le titre. Un scandale a par ailleurs éclaté le soir de la remise du titre, quand le président de la fédération (RFEF), Luis Rubiales, a embrassé de force et sur la bouche Jenni Hermoso.
Soutenu par le président Rubiales, les jours de l’un sur le banc pourraient être écourtés si le second venait à être écarté de ses fonctions. Jusqu’au plus haut niveau politique espagnol, on n’a pas vraiment apprécié l’attitude du dirigeant…
Ainsi que certains observateurs l’ont noté, le jeu léché et le pressing agressif de la Roja résulte plus de la formation reçue par les championnes du monde que d’une quelconque philosophie de Vilda. Bravo en tout cas à ces joueuses qui ont, contre toute attente, conquis une couronne promise à d’autres mais qu’elles ont mérité.
La France patine devant le mur du carré final
Derrière la Roja, les Bleues de France ont débarqué elles aussi en Australie avec un objectif, atteindre le dernier carré. Quelques mois avant le tournoi final, la FFF a remplacé Corinne Diacre par Hervé Renard, venu avec l’envie de jouer le titre mais aussi de préparer une possible médaille au tournoiolympique Paris 2024.
Si la France a offert quelques jolis récitals (contre le Brésil 2-1, Panama 6-3 et Maroc 4-0 en huitièmes), elle a encore « coincé » en quart contre l’Australie, pays hôte. Evidemment, on n’a pas compris le but refusé à Wendie Renard contre les Australiennes. Mais le fait est là : les Bleues se sont encore arrêtées en quart.
Quelques satisfactions quand même avec Salma Bacha, Maelle Lakrar ou encore Kadidiatou Diani. Deuxième buteuse de la compétition avec 4 réalisations et 3 passes décisives, elle a reçu le Soulier d’argent. Diani a quitté le PSG pour Lyon où elle devrait encore franchir des paliers.
La France continue donc de plafonner. Que se serait-il passé si Renard avait pu disposer d’une Marie Antoinette Katoto blessée de longue date ? La grande et jeune buteuse du PSG a encore loupé une CDM. Le potentiel collectif est là. Mais il est vieillissant, même si Hervé Renard n’hésite pas à incorporer de jeunes talents (Vicky Becho par exemple). Paris 2024 sera le terminus d’une génération emmenée par Wendie Renard et Eugénie Le Sommer. Et le foot français rêve d’une médaille, qu’elle que soit le métal.
Chapeau bas aux Lionnes de l’Atlas, vice-championnes d’Afrique 2022 chez elles, qui ont vécu en Australie leur toute première phase finale de Coupe du monde. Dans un groupe très compliquée, les filles de Reynald Pedros ont connu un terrible Waterloo contre l’Allemagne (0-6) pour leur premier match de phase finale de CDM.
Dans la foulée, les coéquipières de Ghizlane Chebbak ont battu la Corée (1-0) et la Colombie (1-0) pour se qualifier pour les huitièmes ! Un exploit extraordinaire pour cette jeune génération formée pour moitié de joueuses du championnat et d’expatriées.
Les Marocaines si proches du très haut niveau
On n’oubliera pas de sitôt le premier but marocain en CDM, inscrit le 30 juillet à Adelaïde contre la Corée par Ibtissam Jraïdi (ex AS FAR), désormais au Ahly Saoudien.
Sous l’impulsion de la plus haute autorité du Royaume, le football féminin s’est structuré ces dernières années. Il dispose de moyens conséquents pour la formation, mais aussi pour les clubs qui rémunèrent leurs joueuses.
Déjà les Marocaines performent dans les catégories de jeunes, on a d’ailleurs vu les U17 en Coupe du monde. L’avenir appartient à cette nation de football, dont l’exemple a été donné par l’équipe masculine au Qatar lors de la CDM 2022 lorsque les Lions de l’Atlas ont atteint les demi-finales. Une première africaine et arabe.
On terminera par l’Italie, la nation la plus décevante, puisqu’elle n’est même pas sortie de son groupe, éliminée à l’issue de ses trois premiers matchs.
Déception car après la victoire (1-0) sur l’Argentine et la lourde défaite devant la Suède (0-5), la Squadra Azzura a succombé devant l’Afrique du Sud (3-2) après avoir mené deux fois au score. Elle a été éliminée à la 90e+2 en encaissant le troisième but. Un nul lui suffisait pour franchir ce cap.
Pas grand-chose à dire sur les filles de Milena Bertolini donc, alors que le championnat national se professionnalise. Si la coache a été de toutes les récentes qualifications à l’Euro et en CDM, l’équipe semble plafonner à un certain niveau. Certaines cadres pourraient tourner la page et laisser la jeune classe continuer l’aventure.
@Frank Simon*
*Rédacteur en chef 2022Mag.com
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