Anne Bouillon (avocate) : ” Son mari lui disait tous les matins : ” Tu es encore vivante, tas de merde?”
Anne Bouillon est une femme formidable avec une expérience multiple, pluridisciplinaire, notamment dans le monde des ONG.. Elle a beaucoup voyagé: Roumanie, Serbie, Canada.. avant de trouver le chemin qui l’a conduite au palais de justice, côté défense. Devenue avocate, basée à Marseille puis à Nantes, celle qui est la la petite fille de Joséphine Baker par aillance estime que porter la robe est un sacerdoce. Plus qu’un métier, affirme-t-elle dans un netretien accordé au journal Le Monde, “c’est un engagment et une identité“.
Mais l’apprentissage de cette noble profession a permis aussi à la native de Paris (52 ans) de découvrir une autre face du décor. En l’occurence une culture patriarcale du barreau avec une bonne dose de sexisme et de misogynie qui n’ont pas manqué de la renvoyer à sa condition de femme. De précipiter son arrivée au féminisme et la convaincre plus que jamais d’épouser cette juste cause devenue une urgence qu’est la défense des victimes de violences conjugales et d”agressions sexuelles.
Une évolution qu’elle raconte très bien dans son passionnant et instructif dernier ouvrage “Affaires de femmes. Une vie à plaider pour elles” paru cet automne aux éditions L’Iconoclaste. Extraits. F.C
” Je n’étais pas spécialiste de la détresse des femmes lorsque j’ai vissé ma plaque d’avo-cate. Mais elles sont arrivées à moi, l’une après l’autre, et j’ai découvert un continent de souffrances. Chaque fois que j’ai la sensation d’avoir rencontré le paroxysme de l’horreur, le cas suivant me démontre que j’ai tort. Il y a toujours pire dans les humiliations, la cruauté, la violence, les brimades. Je me sou viens d’une femme qui avait l’âge de ma mère, et à qui, tous les matins, son mari disait : « Alors tu es encore vivante, tas de merde?» Un jour, il lui a pété le nez et les voisins ont appelé la police. Elle avait vécu quarante années d’horreur dans le silence. Je vois des femmes qui s’assoient devant moi, grises, éteintes, anéanties et qui n’arrêtent pas de s’excuser. J’observe des milliers de corps en souffrance. Alors oui, défendre les femmes est devenu le combat de ma vie.”
Pas de découragement ? “Non, de l’espérance “
“Jamais ! De l’émotion, de l’indignation, de la révolte, oui. Jamais de découragement. J’ai formé un cabinet féminin, avec une équipe soudée qui bénéficie de la reconnaissance des femmes. Ça nous honore et ça nous oblige. On se sent missionnées. Je suis convaincue qu’on peut changer de culture, proposer un autre modèle, d’autres codes d’éducation qui nous éloignent de la masculinité toxique et de la virilité puis- sante. Tout le monde y gagnerait. J’ai de l’es- poir. Je sens des frémissements. J’entrevois des fissures dans le patriarcat”.
( Propos extraits d’un entretien paru dans les colonnes du quotidien du soir français “Le Monde” daté des 17 et 18 novembre 2024).
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