Ana Marcos: « l’affaire Carlos Vermut »

« A mi no me ha pasó nada « , « A moi, il n’est rien arrivé » est le titre d’une longue et très fouillée enquête commencé een 2023  sur les violences faites aux femmes dans le secteur de l’audiovisuel espagnol, menée par la journaliste Ana Marcos  à la tête d’une équipe du quotidien madrilène El Pais,  composée de Elena Reina et  Gregorio Belinchón. Une première affaire connue désormais sous le titre  de l’Affaire « Carlos Vermut » du nom d’un réalsateur contre lequel trois femmes avaient déposé des plaintes  pour violences sexuelles.

Une enquête qui a suscité beaucoup de débats et a valu à la reporter  des insulstes voire ce qu’elle appelle des « ragots mortels » notamment lors de certaines réunions débats autour de l’ouvrage. Un travail dont elle a défendu bec et ongle la nécessité pour une vraie  transparence : « Nous faisons ce que nous faisons avec rigueur et respect, parce que nous pensons que c’est d’intérêt général, parce que c’est quelque chose que personne ne veut entendre et parce que dans ce cas nous étions convaincus que nous voulions que les choses changent ».

En dehors des témoignages, essentiels évidement, l’ouvrage publié évoque en profondeur  toutes les conséquences provoquées par la plainte pour son auteure  à  savoir  la revictimisation, la peur du  signalement, la peur des représailles   et la culture du silence entourant la violence sexuelle subie. Sans compter bien sûr la lenteur de la réaction du système judiciaire.

Dans un émouvant entretien accordé à son journal employeur, Ana Marcos  décrit la difficulté voire le malaise qu’elle a ressenti  lorsqu’elle interrogeait ces femmes victimes qui lui ont fait confiance pour donner un sens et un écho  à leur affaire,  faire bouger les lignes et permettre à la justice de jouer son rôle : « C’était dur, a confié Ana Marcoa,  dans le livre je me demande à nouveau si je faisais partie d’un processus de revictimisation en posant à nouveau des questions et en demandant des preuves« .

Sachant que  » La violence contre les femmes ne laisse aucune trace documentaire. Ce ne sont pas les documents de Bárcenas, personne ici ne vous en divulgue un résumé. Lorsque vous vous asseyez avec une femme, vous lui expliquez ce que vous allez faire, vous lui faites comprendre que vous croyez son histoire car il est très peu probable qu’elle vous ouvre son intimité de manière à mentir. »

Le producteur de cinéma espagnol Carmos Vermut accusé de violences sexuelles par trois femmes.Une affaire évoqué dans le livre enquête d’Ana Marcos. ( photo capture d’écran)

La journaliste décrit ensuite dans quelle ambiance difficile se déroule les confidences :  »  Lorsque nous avons  rencontré ces femmes-victime,, nous avons vu comment leurs mains et leurs voix tremblaient. C’est un long processus, à un moment donné, il faut dire : « Maintenant, j’ai besoin que tu regardes ton téléphone et que tu cherches ces messages. » L’étape suivante consiste à parler à votre environnement, à l’écrire, à le modifier.  Car  s’appuyer sur des preuves nous protège en tant que journalistes et femmes.« .

Le titre choisi par Ana Marcos  »  À moi,rien ne m’est arrivé «  explique en quelque sorte pourquoi le mouvement #Me Too est né d’alertes puis de déflagrations venue d’abord du monde du 7e art et de l’audiovisuel   » C’est un secteur, note la journaliste enquêtrice, dans lequel il existe la possibilité de pousser le corps à ses limites. Personne ne devrait me toucher au travail pour justifier un reportage, mais cela arrive au cinéma. La précarité est peut-être partout, mais il n’y a pas beaucoup d’endroits où il faut recréer des scènes sexuelles et où, par amour de l’art ou pour améliorer votre scène, quelqu’un peut vous toucher là où il ne devrait pas. »

Quelques années plus tard, la révolte des victimes s’est propagée comme une traînée de poudre dans tous les secteurs des activités humaines. Un début d’exorcisme puissant et salutaire. Le  seul en mesure de mettre les relations hommes-femmes sur  les bons rails. Les rails du respect réciproque.

@Fayçal CHEHAT

 

 

 

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