Amel Hadjadj: ” Quand j’ai enfin osé me dire féministe “
Ancienne étudiante en médecine, Amel Hadjadj, 38 ans, s’est engagée dès sa prime jeunesse dans le militantisme et la vie associative avec pour projet de défendre la cause des femmes et pour l’égalité des droits avec les hommes dans une société algérienne corsetée dans un rigorisme lénifiant. Elle est actuellement une blogueuse dont la voix porte, spécialisée dans la création de contenus féminins pour des médias nationaux et internationaux. Notamment méditerranéens.
En 2015, la native de Constantine lance Le Journal Féministe Algérien Quatre ans presque jour pour jour avant le déclenchement du “Hirak”- dans le sens “mouvement” en français- qui entend s’opposer fermement mais pacifiquement à la candidature du président Abdelaziz Bouteflika à un 5e mandat consécutif à la tête de l’Etat.
Ce mouvement va réunir presque un an durant des centaines de milliers de citoyens et citoyennes dans les rues de toutes les villes du pays, petites et grandes. Amel Hadjadj est engagée dans les rangs du collectif Face (Femmes algériennes pour un changement vers l’égalité) lancée en mars 2019. Avec des mots d’ordre aussi puissants que possible : ” “Egalité entre sœurs et frères”, “Nos droits, c’est maintenant”, “Pas de démocratie sans les femmes”, “C’est pas à la maison le grand ménage, le système dégage, dégage”…
Si Bouteflika malade est in fine “destitué” par l’armée et contraint de renoncer à briguer à nouveau la présidence, le Hirak lui est contraint de s’arrêter lorsque la pandémie du COVID 19 provoque un confinement dont la durée, presque deux ans, sera plus longue qu’en Europe par exemple. L’élan de l’expression démocratique est coupé net. Et par la même celui de la bataille des femmes pour une société absolument paritaire. Cinq ans après la fin du “Hirak”, Amel Hadjadj revient sur ces moments forts où, dit-elle , elle a su et pu oser se dire féministe.
@Fayçal CHEHAT
« Mon vécu de femme et d’Algérienne m’a poussé à me poser des questions depuis que je suis enfant. Je ne me disais pas “féministe” avant la faculté. Et même là-bas, alors que je commençais à écrire des articles axés sur les discriminations et les inégalités entre étudiant·es, je ne me reconnaissais pas dans ce terme qui me semblait caricatural. J’étais encore marquée par les attentes posées sur moi en tant que femme : le mariage, la caution du patriarcat et l’autorité du père. C’est lors de ma première réunion avec le collectif Sawt Nssâ2, un espace non mixte, que j’ai enfin osé me dire féministe.
« J’ai alors commencé à me former, en théorie et en pratique, pour renforcer ma réflexion et mes coups de gueule. Les révolutions de 2011 des pays du Sud, les écrits et les actions d’autres féministes en Algérie et dans le monde, la présence de comptes féministes très actifs sur les réseaux sociaux m’ont confortée dans cet élan. Aujourd’hui, le féminisme dans lequel je trouve ma place en tant que femme d’un pays du Sud est intersectionnel parce qu’il intègre toutes les personnes subissant un système de domination, qu’elle soit de genre, de race ou de classe. »
(Propos extraits de l’interview paru dans les colonnes du magazine mensuel marseillais CQFD daté de juillet – août, crée en 2003 et qui se définit comme protestataire).
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