Yasmina Sellam, une cheffe érudite et solaire

Dans le cadre de notre partenariat  entamé en mars dernier, nous partageons dans les colonnes de Méditerranéennes Magazine un quatrième entretien réalisé par  le website  ( :https://tinyurl.com/nr9kueeu ) consacré à l’actualité de l’Algérie. Cette fois, nous allons faire connaître à nos lecteurs la Cheffe  Yasmina Sellam qui vient d’être consacrée au niveau international. En effet, son  superbe ouvrage intitulé “Mémoire Culinaire de l’Algérie, histoires de recettes” s’est vu décerné le 1er prix du prestigieux concours gourmand World cookbook awards 2023. #Mediterranénnes Magazine.

 

 

 

Ingénieure agronome de formation et ex-enseignante à l’Ecole normale supérieure (ENS) d’Alger, Yasmina Sellam a décroché, en mai dernier, le premier prix du concours international « Gourmand World Cookbook Awards » d’Umea, en Suède, pour son ouvrage « Mémoire culinaire de l’Algérie, histoire de recettes » (ANEP, éditions). Celle qui est aussi gérante de la maison d’hôte Dar Djeddi à Cheraga (Alger) a accepté pour dzairworld.com de détailler par le menu son intérêt pour la cuisine. Entretien avec une passionnée. Nasser Mabrouk

Pour débuter, pourriez vous vous présenter à nos lecteurs?

Yasmina Sellam: Je suis Yasmina Benlemalem, épouse Sellam. Je suis née à Mila, entre Constantine et Sétif. C’est une ville historique romaine, pleine de paradoxes.La culture est à la fois rustique et citadine mais très raffinée. J’ai grandi dans une famille où toutes mes tantes et ma grand mère faisaient la cuisine. On m’a appris très tôt à traire une vache, à tisser de la laine pour faire des burnous, à rouler le couscous, à sécher la tomate sur le toit de la maison. Toutes ces activités ne sont pas restées sans effet sur ma personne. On ne m’a pas appris à faire la cuisine. J’ai regardé. Comme on dit en arabe : El qoudwa. Dans ma famille, faire des études était primordial.On voulait préparer sa fille à avoir un diplôme, à être autonome et à pouvoir se débrouiller dans la vie. Après le Bac ma grand mère voulait que je sois médecin ou dentiste.Je lui ai dit que je voulais être ingénieur agronome. Pour moi être proche de la nature, c’était être proche des vaches que j’avais pu traire dans ma jeunesse. Mon père m’y a encouragée.

C’est vers l’Institut National Agronomique (INA) que vous vous êtes dirigée?

Oui. J’ai passé 5 années à l’INA.J’y ai appris des choses magnifiques. Ensuite, je me suis inscrite en post-graduation pour un magister en agronomie. Après, il fallait se marier, avoir des enfants et vivre une vie normale. Je sentais que je voulais autre chose. J’ai donc décidé d’enseigner à l’Ecole Normale Supérieur.J’ai découvert que j’avais un talent d’oratrice. Mes étudiants adoraient mes cours. Je dispensais le module « Ecologie et Bioclimatologie » (le lien entre l’être vivant et son climat). C’est la base de l’homme qui a toujours fait partie d’un écosystème. Il utilise sa flore et sa faune pour son alimentation. C’est un milieu en équilibre. J’étais dans mon élément. J’ai enseigné 30 ans avec passion. Les deux dernières années, je ne voulais plus.C’est comme si ma passion s’était éteinte. Je me suis dit qu’il fallait que je parte. Au moment de la retraite, je ne savais pas ce que j’allais faire.

Quel chemin souhaitiez vous prendre à ce moment là?

Mon mari était à l’époque directeur d’une boite en Algérie. Il a reçu une délégation étrangère qui voulait manger dans des maisons d’hôtes. Il m’a demandé si on pouvait les inviter. J’ai accepté. Pendant toute la soirée, les gens prenaient mes plats en photos parce que je suis un petit peu artiste sur les bords. Il y avait parmi eux un monsieur qui n’arrêtait pas de s’excuser. Je lui ai demandé pourquoi il agissait de la sorte.Il m’a dit qu’au moment de prendre l’avion, il craignait de ne pas pouvoir retourner chez lui car, selon lui, l’Algérie était un pays dangereux, où la culture n’existait pas. Il m’a dit qu’il avait vu qu’il y avait une tradition, une haute gastronomie. ll était ébahi. Quand j’ai servi le thé, ils ont voulu prendre les gâteaux miniatures qui restaient. Je leur ai fait un petit paquet chacun. Six mois après, ils sont revenus dans le bureau de mon mari pour lui dire qu’ils viendraient manger à la maison le samedi suvant. Ils se sont invités. Je me suis dit qu’il fallait que je mette encore le paquet. J’ai fait un diner à base de couscous, de l’entrée jusqu’au dessert.Tous les types de couscous. Ils étaient émerveillés. C’était des Portugais. Le chef de la délégation m’a dit que s’il trouvait en Algérie des endroits comme cela, où il pouvait passer quelques jours, il viendrait. C’est à ce moment là que le déclic a eu lieu. Je me suis dit que j’allais militer pour attirer des touristes et leur montrer le beau visage de l’Algérie.

Vous avez saisi cette opportunité pour ouvrir votre maison d’hôtes…

J’ai effectivement ouvert ma table d’hôtes « Dar Djeddi » (« La maison de mon grand-père »).Je voulais que les gens mangent comme chez mon grand-père. Je connaissais bien la cuisine de Mila et d’Alger, et un peu celle de Tlemcen car mon mari est originaire de cette ville.Si je voulais monter ce projet, il fallait alors que je connaisse les cuisines de toute l’Algérie. J’ai commencé à chercher, à voyager partout avec mon petit calepin. Il faut savoir qu’avant d’être enseignante, je travaillais dans un ministère où j’étais chargée de créer des stations météo pour la lutte contre les incendies de forêt. Il fallait se déplacer.Comme j’étais la seule femme de la délégation, on m’emmenait manger chez les femmes. J’ai découvert des choses extraordinaires. Je ne soupçonnais pas leur existence dans mon pays. J’ai pris des notes en demandant les noms, la manière de  faire.. C’est comme cela que j’ai commencé à faire le tour de la gastronomie algérienne. Je me souviens du premier repas de ma table d’hôtes. C’était un ex-ministre français qui est venu. Je ne savais comment on faisait pour servir, surtout un ministre. Cela me faisait peur. J’avais l’arrière de mes genoux qui tremblaient. J’ai vu qu’il était au départ un peu réticent parce que j’avais servi un jus rose. Il a dû se dire que j’avais mis un colorant. Ensuite, je lui servi un couscous d’orge avec du rob.

Qu’est-ce que le Rob?

Les gens appellent cela du miel mais ce n’est pas du miel si l’abeille n’est pas intervenue dans sa production. On n’a pas le droit de l’appeler non plus sirop ou confiture car on n’y a pas mis du sucre. C’est donc de l’extrait de datte.On fait cuire le fruit. On récupère l’extrait qu’on réduit jusqu’à ce qu’il ait un aspect de miel.On l’utilise alors pour l’alimentation.Quand on a un surplus de datte, on le conserve de cette façon. Dans la région de Blida et Médéa, on le fait avec du raisin.

Finalement, comment a réagi l’ancien ministre ?

Il a adoré car il n’avait jamais gouté cela. Il a voulu en prendre avec lui.Il m’a demandé ce qu’était le jus rose. Je lui ai expliqué que c’était un jus de ma grand-mère fait à base de géranium. Là, j’ai compris que j’étais sur la bonne voie puisque ce ministre, réticent au départ, m’a laissé sa carte de visite. J’ai compris que je l’avais touché avec les plats servis.Pendant des années, j’ai pris du plaisir à recevoir les gens. Je voyais leurs yeux briller quand ils mangeaient des choses qu’ils n’avaient jamais vues, ou pas sous la forme algérienne. Cela a été ma nouvelle carrière. Entre temps mon mari a pris sa retraite. C’est devenu mon serveur. Je lui ai appris l’histoire des plats. On reçoit avec un rituel de table. Quand les gens arrivent, on leur fait faire le tour du jardin. On leur montre des plantes algériennes. Ils prennent ensuite un apéritif traditionnel avant de passer à table. Ils se lavent les mains de manière traditionnelle avec de l’eau parfumée à l’eau de rose ou à la fleur d’oranger. En fin de repas, je leur offre un thé avec des gâteaux miniatures.

Votre table continue-t-elle d’exister malgré la parenthèse Covid ?

Elle existe toujours. En Algérie, ce sont surtout les diplomates qui viennent découvrir le pays où ils sont accrédités. Il y a sur mon site web (www.dardjeddi.com) les différents menus algériens. J’ai divisé l’Algérie en quatre. Le littoral où il y a beaucoup de poissons et de légumes, les montagnes avec ses plats rustiques (chakhchoukha), le désert et les villes où la cuisine est raffinée et citadine.J’ai orienté le choix des invités parce que parfois les gens choisissaient des plats dont je ne connaissais pas l’histoire. C’est pour cela que j’ai commencé à écrire les histoires de plats. Je me suis ensuite dit qu’il fallait que je les partage. J’ai donc écrit le livre.

On imagine que cela a été facile de trouver un éditeur…

Non. Aucune maison d’édition ne l’a voulu car elles disaient ne pas vouloir de livre de recettes. Je leur disais que ce n’était pas un livre de recettes mais un ouvrage construit en deux volets. D’un coté, l’histoire de l’alimentation mondiale (Comment l’alimentation de l’homme a évolué, en y mettant un peu l’Algérie). Et une seconde partie avec 37 recettes. La difficulté que j’ai rencontrée, c’est qu’il n’y avait pas de documents sur la gastronomie algérienne.

Comment définiriez vous votre ouvrage?

C’est un livre historique.Le titre, Mémoires culinaires de l’Algérie.Histoire de recettes, le dit bien. Que mangeaient les Algériens depuis le Néolithique?Quelles étaient les plantes à disposition? C’est là que j’ai fait appel à mon diplôme d’ingénieur agronome. J’ai étudié la Palynologie, l’Anthracoloqie, la Paléo-botanique…Avec des documents de chercheurs, j’ai cerné cela. A travers la denture de ces hommes anciens, on peut savoir ce qu’ils mangeaient. On sait par exemple que leurs dents ont croqué des graines très dures. Quand ils ont commencé à mettre les graines dans le feu, leur denture a changé. Les canines sont devenues un peu moins longues parce que l’homme a cuit sa viande. Il a commencé à cuisiner sans avoir d’ustensiles.A partir de la découverte du feu, il y a eu changement de régime alimentaire.Il a appris à réduire ses graines en poudre. Durant le Néolithique, au lieu d’avoir des pierres taillées, on a des pierres polies qui permettaient d’avoir une poudre de céréales ou de légumineuses qu’il mettait dans des pots et de l’eau avec des galets incandescents pour que cela cuise.J’ai raconté ces histoires, puis la littérature gastronomique du monde. Tous les pays ont écrit sur l’histoire de leur gastronomie sauf l’Algérie. Où se situe-t-elle par rapport à ces recettes qu’on a découvertes un peu partout dans le monde? Quand on découvre un objet archéologique quelque part, jusqu’à quelle distance peut-on dire qu’il appartient à telle ou telle région?  On m’a dit qu’il y a des ouvrages sur le sujet mais je considère qu’ils n’ont pas répondu à mes questions.

C’est pour cette raison que la gastronomie algérienne reste méconnue ?

Elle est méconnue parce qu’elle n’a pas été écrite. Et mêmes certains auteurs méditerranéens parlent de tous les pays sauf de l’Algérie. Je comprends parce qu’après l’indépendance, le pays est devenu farouche et ne permettait pas à tout le monde de venir chez nous.Il ne savait ou ne voulait pas vendre ses produits. J’ai tenté de répondre à mes questions et à pas mal de celles que se posent les Algériens. Je n’ai pas trouvé certaines réponses que je trouverais peut être un jour car je suis en train d’écrire d’autres ouvrages.

Vous avez été primée à Umea, en Suède, pour votre livre. Quelle a été votre réaction à ce prix ?

Ma première réaction, c’est le jour où j’ai reçu le courriel du fondateur de ce grand concours. Il voulait insérer mon livre dans la liste des nominés. Il y a normalement toute une procédure de nomination. Le mien l’a été directement. Je lui ai envoyé le livre en pdf. Je n’ai pas eu de réponse. Quelques temps après, je reçois un autre courriel me disant qu’il fallait que je me déplace au Cambodge pour venir parler de l’ouvrage. C’est un pays très lointain et l’Algérie n’a pas de représentation diplomatique sur place. Et puis, je ne pouvais pas me déplacer sans mon mari. Finalement, on m’a demandé d’envoyer une video de présentation du livre.Cela a fonctionné puisque j’ai été nominée dans 3 catégories : cuisine de chefs célèbres, livres historiques et cuisine méditerranéenne. Je savais que j’avais des chances sur les deux dernières nominations. J’ai de nouveau reçu un mail m’indiquant que mon livre était dans le top 3 mais sans me dire qu’elles étaient les deux catégories. On m’a dit que ma présence en Suède était vivement souhaitée. A Uméa, on a eu un quart d’heure pour présenter son livre.

L’ovation devant tous ces pays a été extraordinaire.J’ai été ambassadrice de mon pays pendant deux jours. J’ai eu le premier prix en Histoire de la gastronomie devant le Pérou, la Turquie et les USA. Pour la Gastronomie méditerranéenne, la France a été première devant l’Australie et l’Algérie.

Yasmina Sellma: la Cheffe fait son marché

Vous attendiez vous à un tel triomphe ?

Pas du tout.J’ai pensé écrire un bon livre pour mes compatriotes et qu’ils aient des arguments pour défendre leur gastronomie.

Qu’est-ce que ces prix ont représenté pour vous ?

C’est un concours prestigieux qui existe depuis 30 ans, où tous les pays du monde sont représentés.Cela veut dire que si on connaissait la gastronomie algérienne, on la placerait très haut. Je dois avouer que je n’aime pas les classements des terroirs et patrimoines des pays parce qu’on n’a pas le droit de dire à un pays qui est le meilleur ou le pire. Quand on classe, on écarte des patrimoines. L’Algérie a souffert de cela. Toutes les cuisines du monde sont belles. Chacune pour les peuples qui les ont faites, et ceux qui les découvrent. Mettons dans l’inventaire de l’humanité tous ces terroirs.

A ce propos vous déplorez qu’en Algérie la cuisine soit très régionalisée et qu’on la considère comme étant la meilleure selon sa région.

Complètement ! C’est une des raisons qui ont fait que les Algériens n’ont pas été les ambassadeurs de leur gastronomie à l’étranger. Il faut adopter toutes les cuisines de notre pays. Je trouve que c’est une aberration de ne pas les connaitre. Un jour, j’ai fait une conférence à Mostaganem. C’était un regroupement méditerranéen. Les organisateurs m’ont demandé de cuisiner pour tout le monde. J’ai choisi de faire un plat de l’est, Tikourbabine, et une salade très ancienne de ma grand-mère qui était de la courgette assaisonnée, mais crue. Ils ont aimé. Mon mari qui était dans la salle a entendu trois dames qui se demandaient pourquoi je ne leur avais pas fait une paella oranaise. Je fais des plats d’autres régions pour qu’on puisse connaitre toute l’Algérie.

Dans votre livre vous passez en revue les différentes civilisations qui se sont succédé en Algérie. Qu’ont elles apporté à la cuisine algérienne?

Ces civilisations ont trouvé un peuple en harmonie avec son milieu, qui cuisinait et qui mangeait.Il ne broutait pas. On nous dit que les Phéniciens nous ont appris à cultiver l’olive. C’est faux, l’olive et le raisin algériens ont toujours existé. Ils créaient des comptoirs en faisant du troc. Ils avaient des techniques que nous avons apprises. Avec les Grecs, on a eu le tajine qui vient du mot tagenon. Il existe un peu partout en Méditerranée mais il est prononcé différemment. En Orient, on a le motajen qui signifie « qui a cuit dans un tajine à petit feu ». Les Romains sont surtout venus en Numidie pour s’inspirer. Apicius venait régaler son César Tibère. On a pris de chez eux le sucré-salé.La datte farcie est une création romaine. A Rome, il n’y avait pas de dattes. Cela prouve le lien qu’il y avait avec l’Algérie.Cela va toujours dans les deux sens. La Saracen connexion, c’est l’influence musulmane, et non arabe, sur la renaissance en Europe. Il y a aussi les Perses, les Afghans, les Indiens mais à travers l’Islam. C’est la base de la gastronomie européenne et notamment andalouse. Après, nous avons eu les Ottomans. Ils nous ont amené des recettes des Balkans. Il y a la baklawa, les boureks, la rechta qui pourrait aussi être arrivée avant car elle existait aussi du temps du Prophète, Muhammad.Ensuite, les cultures espagnole et française ont apporté plusieurs recettes. Il faut savoir par exemple qu’avant 1830, le premier repas des Berbères d’Algérie était salé.On ne mangeait pas de farine de froment mais de blé dur. La crêpe et le millefeuille n’ont pas été crées en Algérie, ils nous sont arrivés par la France.

Au sein de la cuisine du Maghreb, existe-t-il une spécifié algérienne ?

Tout à fait. La cuisine tunisienne est monochrome. Elle est toujours rouge et piquante. Elle est plus récente que l’algérienne car la tomate et le piment rouge sont arrivés en Afrique du nord qu’au 18ème siècle. Au Maroc, la cuisine est restée très andalouse parce que la colonisation ottomane n’est pas restée longtemps pour influencer leur gastronomie. S’ils ont des plats ottomans, c’est qu’ils sont arrivés à travers l’Algérie. Il y a beaucoup de safran. La cuisine est un peu jaune, très sucrée et très grasse. La gastronomie algérienne est beaucoup plus large et variée en raison de l’immensité du territoire. Nous avons du rouge et du piquant dans le sud et à l’est. Nous avons du blanc dans les villes. Ce n’est pas venu des Ottomans car Massinissa mangeait blanc. Nous sommes les seuls au Maghreb à avoir des sauces blanches. Nous avons du jaune issu de la cuisine andalouse.Nous avons beaucoup de traces des cuisine ottomane et abasside. Notre cuisine n’est pas fardée. Nous utilisons les épices avec parcimonie.Nous parfumons nos viandes mais nous ne les tuons pas avec des goûts épicés.

Existe-t-il un plat typiquement algérien que l’on ne retrouve ni au Maroc, ni en Tunisie?

Le Zviti, la Chakhchoukha. J’ai trouvé l’origine de cette recette dans un livre du 13è siècle qui parlait de la grandeur de Béjaia quand la ville était un pole universitaire où les gens du monde entier venaient étudier les mathématiques et l’astronomie. Ils se régalaient d’un plat qu’on appelait « Chechit ibnou el wadih ».C’était un petit pain que l’on découpe, une panade particulière qui est devenue après constantinoise.

La cuisine, ce sont aussi les ustensiles. Pouvez vous nous en parler ?

Nous en avons beaucoup en Algérie.Par exemple, le tajine existe partout au Maghreb mais nous en avons de différentes formes.Le Tajine, c’est le contenant et le contenu. Le Ham lahlou (viande sucrée) se sert dans un tajine qui ne dépasse pas les 10 centimètres de haut. Par contre, le couscous est servi dans un tajine de plus de 15 cm. Nous en avons pour la cuisson du pain avec certains qui ont des protubérances qui font des dessins sur le pain. Ils ont des noms différents : le Tajine nemra, le Mserreh, le Mri  (qui veut dire miroir) pour cuire les feuilles de chekhchoukha, le May pour cuire la feuille de dioul. Nous avons le Qasd où on met l’huile d’olive. Le Khlih (la viande conservée utilisée en hiver) a son ustensile.

Est-ce qu’on redécouvre certains plats ?

Il y a une tendance à vouloir servir des plats anciens. Par exemple, la Pastilla qu’on prononce « Bastilla ». Tout le monde pensait que ce n’était que marocain alors qu’elle est aussi algérienne. On commence à la revendiquer. Il y a aussi la feuille de vigne qu’on pensait turque. On redécouvre ce plat que les grand-mères ont oublié de citer. La Kapama qu’on prononce Kabama est un plat turc qui était traditionnel en Algérie. On la trouve aussi en Bulgarie, en Albanie, en Arménie.Le mot veut dire à l’étouffé. Chez nous la recette est différente. C’est une petite pomme de terre qu’on cuit dans une sauce blanche et qu’on arrose à la fin d’eau de fleur d’oranger.

La seconde partie de votre ouvrage est consacrée aux recettes. Comment avez vous procédé pour la sélection des 37 plats ?

On m’avait dit que le livre ne devait pas être trop gros. Je les ai choisies pour expliquer telle ou telle chose.Il y a une arrière pensée derrière tous les plats. Par exemple, j’ai mis la recette de Bssisse argane car nous avons 100 000 ha d’arganier en Algérie et des recettes traditionnelles avec cette huile.Dans la région de Tindouf, l’arganier est naturel. Il n’a pas été planté par l’homme. La Moukhlia n’est pas que tunisienne.Nous la cuisinons et la mangeons à peu près de la même façon. Nous avons aussi des plantations de moukhlias. La meilleure façon de défendre notre patrimoine, c’est de l’inventorier et de l’écrire. Le guide culinaire d’Escoffier répertoriait en 1903 24 recettes algériennes ainsi que des égyptiennes mais pas de marocaines, ni de tunisiennes. Par exemple, Georges Sandrecevait Alfred de Musset avec du couscous et du bourek algériens.Elle disait qu’elle avait appris ce plat en Algérie.

Un deuxième tome est donc en préparation. Où en êtes vous ?

Comme j’ai beaucoup d’histoires de recettes, le deuxième tome est presque prêt. On parle de la sauce algérienne mais personne ne sait où, comment et pourquoi elle a été créée. Cela dit, on m’a demandé d’écrire un livre plus intéressant que je viens de finir. Il ne reste que les recettes et les photos à produire. C’est un livre important pour le patrimoine algérien. J’espère qu’il sera disponible pour le Salon du livre d’Alger, en octobre prochain.

@Entretien réalisé par Nasser Mabrouk

Liens utiles :
https://www.facebook.com/yasmina.benlemalemsellam
LES PRÉFÉRENCES DE YASMINA
Mon livre:  Celui que j’ai écrit, mémoire culinaire de l’Algérie ( prétentieuse) et le testament de Jugurta de Mouanis Bekari.
Mon film: Rabi Jacob Louis de Funes ( l’humour français n’a pas d’égal)
Ma série : Casa de papel
Ma chanson: Le malouf constantinois (tout)
Ma ville : Alger
Mon peintre: Hocine Ziani
Mon acteur: Sydney Poitiers.
Mon actrice: Sandra Bullock
Mon parfum: L’air du temps de Nina Ricci
Mon sport: le handicap Ball
Mon talent caché : la couture
Mon meilleur voyage: Timimoun.

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