Yasmina Salmandjee: “Je suis fascinée par l’IA”

Yasmina Salmandjee est une femme à la créativité multiple et diverse. Auteure touche-à-tout – elle a  néanmoins une grande appétence pour les nouvelles technologies et l’informatique grand public.

La pépite formée  à Polytech Paris Saclay  vient de commettre son dernier ouvrage “ChatGPT pour les nuls” publié par First Editions dont les récentes nouvelles annoncent un succès de libraire à venir.

Toujours chez le même éditeur, la Parisienne, désormais installée dans le sud de la France, ont paru il y a quelques années des textes de la même veine tels “Facebook pour les nullissimes”, ” Les réseaux sociaux pour les nuls” etc.

Elle a également conçu des applis à succès dans divers domaines comme la cuisine, l’enfance, etc. En 2003,  les Éditions Eyrolles publient son ouvrage consacré aux drogues intitulé  “Les drogues : tout savoir sur leurs effets, leurs risques et la législation“.

Dans cet entretien exclusif, Yasmina décrypte pour nous l’avènement de Chat GPT dont elle estime qu’il constitue un tournant aussi important que celui représenté par les réseaux sociaux il y a une vingtaine d’année. Paroles d’une spécialiste aux idées claires.  Méditerranéennes Magazine.

Bonjour Yasmina, vous venez de publier  « ChatGPT pour les nuls ». Parlez nous de la genèse de  votre  ouvrage. Est-ce dicté par une passion particulière  pour l’IA ? 

Auteur depuis vingt-cinq ans sur ces sujets, j’ai écrit ChatGPT pour les nuls à la fois par passion pour la transmission et les nouvelles technologies en général. Je suis fascinée par l’IA depuis mes études d’ingénieur en informatique à Polytech Paris Saclay (1995-2000), cela ne date pas d’hier. Ce qui a changé c’est que le sujet est devenu « grand public » et les technologies accessibles à tous depuis à peine plus d’un an.

Quand j’ai vu ChatGPT naître et prendre son envol, avec grand intérêt et attention, en novembre 2023, j’ai tout de suite compris qu’on allait assister à un tournant majeur, un peu comme celui de l’avènement des réseaux sociaux, il y a à peu près 15 ans, et comme l’arrivée des smartphones dans les années 2005-2010. J’ai tout de suite aussi vu une opportunité pour ma carrière d’auteur de repartir, car il n’est pas toujours facile de vendre des livres dans le contexte actuel. Et surtout un sujet de société qu’il fallait impérativement traiter, auquel éduquer les aficionados, comme les débutants, les plus jeunes comme les moins expérimentés en technologie.

J’ai proposé le sujet à mon éditeur, First, qui a au début été un peu frileux, c’était trop tôt. En mars, ils m’ont contactée pour me dire qu’ils étaient finalement très partants, mais surtout… très pressés ! J’ai eu un mois pour écrire le livre, il m’a au final fallu trois semaines, et le livre est sorti en librairies le 8 juin 2023. C’est le premier livre en français sur le sujet, je n’en suis pas peu fière !

C’est depuis le 18 janvier  que le livre est disponible dans les librairies  de France et de Navarre comme on dit. Une version anglaise  est-elle prévue dans un futur proche ?

Mon deuxième titre sur l’intelligence artificielle, l’IA générative pour les nuls, Editions First, est en effet disponible depuis le 18 janvier dans toutes les librairies de France, mais aussi d’un grand nombre de pays francophones. J’ai des lecteurs assidus du Québec, en Suisse et  jusqu’à plusieurs pays d’Afrique francophone ! En revanche, aucune traduction vers l’anglais n’est prévue, car c’est en général le processus inverse qui est mis en place, étant donné que la franchise For dummies, dont Pour les nuls est la version française, est américaine au départ. Mon premier emploi dans l’édition consistait d’ailleurs à traduire des livres d’informatique de l’anglais vers le français, cela n’est quasiment jamais le cas dans l’autre sens !

Comment se présente l’architecture de votre contenu ? Sur quels thèmes avez-vous insisté pour que le « nul » ne se sente “plus nul” en refermant la dernière page ? 

La collection Pour les nuls suit des règles structurelles et stylistiques assez précises. Il y a un découpage en parties, des encarts et notes spécifiques à la collection, ainsi que sa fin emblématique appelée « Les dix commandements ».

Je suis en revanche totalement libre dans le choix de ces parties, des chapitres, de leur nombre, etc., ainsi que le ton, les sujets abordés, ou encore les illustrations, après validation de ma table des matières par mon éditeur (que je remercie au passage pour sa confiance depuis plus d’un quart de siècle !).

J’organise toujours mes ouvrages de la même façon, avec une approche au départ généraliste, un peu théorique, un peu historique aussi parfois quand le sujet l’exige, et beaucoup de concret et de « pratique » très vite, pour que l’utilisateur débutant puisse se lancer. J’aime aussi introduire des anecdotes amusantes et communiquer comme je le fais dans la vie : cash, sans « chichis », et avec (je l’espère) un peu d’humour !

Je suis au fil des pages une approche progressive, didactique, qui part des fondements jusqu’à des notions plus complexes. Je pense qu’une personne qui achète mon livre, que ce soit ChatGPT pour Les Nuls qui fait 300 pages ou l’IA Génératif pour Les Nuls qui en fait près de 400, se sentira beaucoup moins « nulle » à la fin, parce que je vais assez loin sur tous les sujets liés abordés.

Par exemple, dans mon dernier ouvrage, j’explique comment programmer en Python ou créer son propre « bot » grâce à l’intelligence artificielle. J’ouvre aussi toujours des portes aussi pour aller plus loin, et la personne qui aura envie de creuser le sujet aura toutes les clés entre ses mains. D’ailleurs, l’IA elle-même peut aider les gens à approfondir le sujet, n’importe quel sujet d’ailleurs, et j’explique comment faire pour être autonome.

C’est un livre qui en appelle une suite.Peut-être? 

Oui, le livre appelle peut-être à une suite. À l’heure actuelle, de nouvelles technologies apparaissent tous les jours. Les technologies existantes évoluent aussi à vitesse grand V. La deuxième édition de ChatGPT pour les nuls va apparaître en mars. Selon ce qui arrivera (et les ventes, bien sûr), il est possible qu’il y ait de nouvelles éditions aussi pour L’intelligence artificielle générative pour les nuls ou un nouveau livre sur un nouveau sujet. Tout peut arriver. En attendant je me réjouis de voir que non seulement ChatGPT pour les nuls a trouvé son public, puisque l’ouvrage est numéro 1 des ventes dans sa catégorie depuis aout 2023, soit deux mois après sa sortie, et bénéficie non seulement d’excellentes critiques, mais aussi d’un très puissant bouche-à-oreille. Merci à mes lecteurs !

Autres questions d’un candide ou d’un ingénu

On présente ChatGPT comme une avancée exceptionnelle dans le domaine de la science du langage. Mais en réalité,sa créativité est-elle légitime lorsqu’on sait qu’elle repose sur le traitement massif de milliards de contenus produits, eux, par des millions de cerveaux humains ? 

ChatGPT, c’est un peu comme une mosaïque géante, assemblée avec des milliards de petits morceaux d’humanité. Sa « créativité », si on peut l’appeler ainsi, est un reflet de notre propre diversité de pensées et d’expressions. Alors, légitime ou non ? C’est un débat ouvert. Ce qui est sûr, c’est que ChatGPT n’invente rien : il réarrange et reformule ce que nous, humains, avons déjà exprimé. Un écho plutôt qu’une voix originale, si vous voulez.

Et quid de la défense des droits  des auteurs? Les premières secousses arrivent. En effet, fin décembre 2023, le New York Times attaque en justice OpenAI et son investisseur Microsoft pour violation de droit d’auteur. L’entreprise a utilisé les articles du célèbre journal américain pour nourrir son robot d’IA générative ChatGPT. Le préjudice est estimé à plusieurs milliards de dollars…

La question est épineuse. L’affaire du New York Times contre OpenAI est un jalon dans la réflexion sur la propriété intellectuelle à l’ère de l’IA. Si une IA s’abreuve de contenus protégés pour « apprendre », puis « écrire » ou « dessiner », « parler » à qui appartient le savoir ou les oeuvres qu’elle génère ? C’est un peu comme si on accusait un étudiant d’avoir volé ses professeurs parce qu’il a réussi son examen, ou un peintre de s’être inspiré de ses pairs… Un casse-tête juridique et éthique. Pour en savoir plus sur ce sujet…je vous invite à consulter mes ouvrages ou je développe mon point de vue et explique ce qui se passe en détails !

Depuis l’avénement au grand jour de l’intelligence artificielle, des secteurs entiers de la création culturelle s’inquiètent des menaces qui pèsent même  sur la survie de leur activité. Certains chiffres donnent le vertige : 300 millions d’emplois sont susceptibles  d’être supprimés rien que dans ces secteurs d’activité dans les années à venir… 

300 millions d’emplois en danger ? Ces chiffres donnent le vertige, c’est vrai. Mais rappelez-vous, chaque révolution industrielle a provoqué des peurs similaires. Oui, des emplois disparaîtront, mais d’autres émergeront. Le vrai défi sera de s’adapter, de se former, de naviguer dans ces eaux nouvelles. L’IA n’est pas une vague qui submerge, mais un courant qui emporte. À nous de savoir nager !

Algorithmes  et calculateurs puissants vont-ils remplacer l’intelligence humaine a peu de frais ?  N’est-il pas dangereux de confier la gestion du langage et de la communication à des programmes informatiques  ?

Remplacer l’homme, non, je ne pense pas. La femme encore moins ! Je plaisante mais pour moi, l’IA est un outil, un partenaire, un assistant… Elle peut calculer, analyser, voire créer, d’une certaine manière, mais elle ne possède pas notre intuition, notre capacité d’adaptation, notre empathie. Ceux qui lui confieront la barre sans tenir le gouvernail finiront par en payer le prix ou être démasqués.

Certains éminents spécialistes sont formels sur le nouvel univers que nous propose l’IA, avec l’hypothèse suivante : il se peut que nous entrons dans une nouvelle ère où aucune vérité ne se dégage et ou on ne peut plus apporter de preuves satisfaisantes de quoi que ce soit. Notamment grâce aux manipulation des images, des voix, des sons, des dates voire des lieux ou les faits sont censés s’être déroulés ?

L’IA, surtout avec les deepfakes et autres technologies de manipulation, peut effectivement brouiller les lignes entre vrai et faux. Mais plutôt que de voir cela comme une apocalypse de la vérité, voyons-le comme un défi. Un défi à notre esprit critique, à notre vigilance. À nous de développer des outils, des méthodes pour distinguer le vrai du faux. Les fake news, les arnaques, le charlatanisme, tout cela a toujours existé. 

Pour finir une question qui peut faire passer celui qui la pose pour un nul voire, plus insultant pour un has been réfractaire au progrès: les risques que peut provoquer l’IA ne sont-ils pas plus grands que les bénéfices qu’ils sont censés apporter à l’humanité ?

Cette question est la plus délicate. L’IA, c’est un peu comme le feu de Prométhée*. Un outil incroyable, mais potentiellement destructeur. Les risques existent : perte d’emplois, atteintes à la vie privée, manipulations dangereuses. Mais les bénéfices sont là aussi : progrès médical, efficacité énergétique, avancées scientifiques. La clé ? Équilibre, contrôle, éthique. Comme toute grande puissance, l’IA doit être maniée avec sagesse.

* Dans la mythologie grecque, Prométhée est un Titan qui a dérobé le feu aux dieux pour le donner aux humains. Ce mythe symbolise ici l’acquisition de la connaissance et de la technologie, apportant à l’humanité d’immenses bienfaits, mais aussi des responsabilités et des dangers potentiels.

Propos recueillis par Fayçal CHEHAT

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