La charismatique Patricia Morueco Dominguez

Inutile de chercher à définir  Patricia Morueco Dominguez  d’un seul mot. Elle est multiple. L’artiste espagnole a en effet de nombreuses  cordes à son arc.Insaisissable, insatiable, elle croque  à pleines dents dans les opportunités qui se présentent à elle. Curieuse de tout, elle ne se contente pas d’effleurer les sujets auxquels elle s’attaque  et va jusqu’au bout des chemins qu’elle emprunte. Elle est actrice de cinéma et de télévision, comédienne, chanteuse, écrivaine, poétesse, metteuse en scène de théâtre, directrice de production et  auteure appréciée de doublage. En tant que musicienne et compositrice sa grande fierté reste le projet  “Ishaluna”, une comédie musicale qu’elle est allée défendre et produire  à Brodway dans le coeur battant du foisonnant New-York . Documentariste, sa dernière réalisation, “Every Woman“, une autre collaboration hispano-américaine, porte sur la violence sexiste au travail. Aujourd’hui, c’est cette femme, rayonnante et charismatique, qui se confie dans les colonnes de votre magazine.

 

Bonjour Patricia Morueco Dominguez. Pour commencer cet entretien, nous voudrions vous demander, vous qui êtes une  de ses authentiques représentantes, comment va la culture en Espagne après deux ans perturbés par la crise sanitaire ? La reprise se passe-t-elle bien ?

L’Espagne est un pays avec un chômage à 86% chez les acteurs. C’est un pays qui a du mal à soutenir la culture comme cela se passe en France et dans d’autres pays. Car la culture critique toujours la société et n’est pas  forcément intégrée comme positive dans l’esprit de tous.Après la pandémie, je pense que le chômage est passé  à 93 %  Le côté rasssurant, si l’on peut dire, c’est qu’en étant restés enfermés les artistes ont se sont souvent engagés dans des  projets personnels. En ce qui me concerne, j’ai remporté plusieurs prix avec d’autres réalisateurs pendant la pandémie parce que nous étions dans une forme de  résistance créative.

 Les différents confinements vous ont beaucoup inspiré. Vous avez par exemple participé au documentaire “Containment” de Givaina Producciones et au court métrage “Pandemia” de José Luis Mora Mazarías...

Oui, pendant cette période difficile,  José Luis a écrit Pandémie qui parlait de la nature humaine et des controverses que cela provoque dans le quotidien du confinement. Le court métrage est réalisé par eux deux et moi. Nous avons également remporté des prix avec un autre court métrage ANA qu’Emma Sánchez Quiñones et moi avons réalisé.

Je crois savoir que l’expérience la plus impressionnante a été le film “Little Squares” de Leonard Zelig. Une production tournée avec des acteurs confinés en Espagne mais aussi dans des pays d’Amérique du Nord et d’Amérique latine. Dites-nous en plus.

Ce fut un plaisir de travailler sur Little Squares en raison de la signification du projet. Tourné entièrement grâce à la plateforme Zoom en trois mois et dans plusieurs pays en même temps. Un véritable exploit de Leonard et de toute l’équipe

 Ces temps de pandémie ont été à la fois une période de régression pour la société et une source d’inspiration pour les créateurs. Nous nous trompons ?

Je ne crois pas que les crises soient très créatives et que petit à petit nous finirons par voir les fruits du travail.Dans mon cas, une autre chose que j’ai faite pendant la pandémie a été de rassembler les poèmes que j’avais écrits à la main dans des cahiers, ce qui a donné lieu à mon premier livre de poésie “Poetic Silence” que nous avons présenté à la SGAE (SOCIEDAD GENERAL DE AUTORES) le 31 mars

Le moins que l’on puisse dire, c’est que votre  grande aventure artistique  ne ressemble pas à un long fleuve tranquille. Vous êtes multicartes : comédienne, chanteuse, auteur-compositeur, metteuse en scène de cinéma et de théâtre, dramaturge et poètesse. Un magazine espagnol vous a donné le surnom de “Caméléon aux multiples facettes“…

Oui, à cause de ce besoin de raconter des histoires et parfois du manque de travail dans l’industrie culturelle, nous devons développer des super pouvoirs  (rires) . Sérieusement, maintenant, pour moi ce sont différentes formes d’expression de la créativité qui viennent de différents endroits mais elles sont toujours une alternative plus saine et plus transformatrice et  beaucoup plus humaine et utile.

 La musique est une de vos passions. Je crois que vous avez un faible pour New York et Broadway.

Actuellement, de nombreuses villes dans le monde présentent des comédies musicales, cependant, le genre est né  dans cette mégapole américaine et a plus de 150 ans d’histoire. Dans tous les cas, notre proposition Ishaluna a un autre type de langage plus intime et des éléments d’identification créatifs qui la différencient.  Une chose est sûre, dans la comédie musicale de style Broadway les Américains sont les maîtres.

“Ishaluna” est un projet qui vous passionne. Pouvez-vous nous résumer le concept ?
C’est une comédie musicale multidisciplinaire qui raconte l’histoire d’une famille. C’est l’histoire d’une famille, racontée d’une manière inédite. Ça se passe entre réalité et rêve et j

 Vous avez également un intérêt particulier pour la musique électronique et aviez même fondé deux groupes, dont Slow Feeling. Dites nous en plus.

J’ai commencé quand j’avais 21 ans à jouer de la musique électronique dans l’un des plus grands clubs du monde à Ibiza, Privilege, dans sa légendaire salle Coco-loco. Progressivement, j’ai commencé à collaborer avec des DJs, des clubs de différents endroits en Espagne, à Londres, en Colombie. De nos jours, la musique électronique a beaucoup changé. Dans Slow feeling, nous avions proposé un concert de musique électronique avec une performance qui a été  précurseur d’Ishaluna

Au théâtre, vous avez un faible pour l’écriture engagée. Puisqu’on retrouve dans votre riche carnet de chasse l’une des pièces les plus emblématiques de l’écrivain et poète franco-algérien Jean Genet…Lequel  a notamment écrit sur les prisons…

​Jean Genet était génial!  Il a eu une vie très complexe comme souvent les grands artistes. C’est du fond de l’avoir vécu que se développent la capacité d’observation et le désir de faire de l’art pour se transformer et se rapprocher à chaque fois de l’utopie, Genet était d’une telle brillance qu’il a créé un type de théâtre, l’épopée, qui permet au spectateur de  s’éloigner de ce qui se passe pour se poser des questions plus ouvertes et qui font aujourd’hui partie du théâtre international. Ses œuvres sont très actuelles. Curieusement j’ai réalisé un fragment d’une version de Terreur et misère du Troisième Reich au Texas et quelque chose de similaire à la proposition avec Trump a fini par se produire. Énorme

Au théâtre, comme au cinéma ou dans les documentaires, vous avez été dirigé par des femmes et par des hommes. Y a-t-il une différence dans la façon de le faire?

Je pense que la direction dépend beaucoup de la personnalité de celle ou de celui  qui vous dirige. Je ne vois aucune différence dans les formes, mais dans les points d’intérêt. La plupart des œuvres réalisées par des femmes parlent des droits de l’homme et de la manière de déconstruire ce monde créé par les hommes. Et surtout, les points de vue changent. Les femmes sont aussi des protagonistes de la vie et méritent d’occuper les espaces du cinéma, du théâtre etc.

Ce caméléon décrit par le célèbre magazine que j’ai cité plus haut doit avoir une grande capacité de travail et faire preuve d’une créativité phénoménale. Comment procédez-vous?

Ça passe par des périodes. Comme chaque discipline a sa propre technique, j’essaie de consacrer du temps aux unes  et aux autres pour les perfectionner. C’est aussi une nécessité et je travaille généralement sur plusieurs projets en même temps.

Et où trouvez-vous la plupart de vos inspirations ?

Dans mes histoires personnelles, dans la vie des autres, dans ce que j’aime, dans ce que je n’aime pas… Quand on sort de sa zone de confort, tout peut devenir histoire. Cela dépend de votre potentiel d’ouverture et de votre désir de  connaître des vies différentes de la vôtre. C’est ça la richesse de l’être humain.

 Et puis il y a la poésie. Vous venez de publier votre premier recueil, “Le Silence poétique”. Quel est votre thème ?

Le “Silence poétique” naît du besoin d’exprimer l’amour dans sa forme la plus pure. Et de l’ouverture de la plaie pour guérir par la parole, comme il  naît de la mémoire et de l’oubli. Elle naît du besoin de justice, de créer un monde qui fasse de l’utopie une réalité.Il découle du besoin d’exprimer ce qui ne peut être exprimé  qu’avec des mots. Ces souvenirs dans ces lieux communs et insolites, ces pauses…

Jouer au cinéma ou au théâtre, déclamer et réciter de la poésie, chanter, écrire et lire les textes des autres… Toutes ces actions sont différentes, mais elles vous procurent le même plaisir. Si non, lequel de ces rôles préférez-vous ?

C’est l’éternelle question… J’aime beaucoup jouer avec toutes les disciplines. C’est pourquoi ce n’est qu’en créant un spectacle comme Ishaluna que je peux les pratiquer tous à la fois. c’est le nirvana.

Vous dites aussi qu’il est important, par l’inspiration créative, d’aider les individus à sortir de leur réalité personnelle pour découvrir ce qui se passe dans le monde et ce qui devrait mériter leur intérêt… Êtes-vous encore réaliste à l’ère de la dictature des réseaux sociaux et du zapping permanent ?

Je pense qu’il est important de repenser la part  de nos vies que nous offrons aux réseaux. J’ai récemment fait une étude à ce sujet, et j’ai regardé le documentaire Netflix The Social Dilemma. Si nous voulons rester concentrés en tant que créatifs, nous devons rester en dehors de la déconcentration causée par les réseaux. Mais en même temps, ils sont un outil pour atteindre les gens et se connecter avec des gens Autrement vous ne pourriez pas  entrer en contact avec eux.

Comme Paris, Madrid, où vous vivez et travaillez, concentre une bonne partie de la créativité culturelle et intellectuelle du pays. Faites vous  aussi  des escapades dans des métropoles comme Barcelone, ​​​​Valence ou Séville ?

Oui, j’ai joué dans toutes ces villes quand j’ai dû partir en tournée de théâtre ou de chant. C’est amusant et maintenant qu’on bouge un peu moins  ça me manque

Vous qui avez mille métiers, mille visages et mille passions, vous  devez avoir une liste incroyable de personnalités que vous respectez, aimez et même admirez. Le(s)quel(s) allez-vous mettre dans votre Panthéon ? Entre, comédiens, acteurs ou actrices, réalisateurs ou réalisatrices, musiciens, écrivains ou poètes.

Oui, effectivement, ils sont quelques uns, que je peux vous citer sans ordre de préférence.

Poètes et écrivains :  Gioconda Belli, Emily Dickinson, Sor Juana Inés de la Cruz, Ida Vitale, Silvia Plath, Anne Baxton, Virginia Wolf

Actrices : Meryl Streep, Kate Winslet, Kate Blanchet, Charlice Theron, Bette Davis. Robert de Niro, Johnny Depp, Javier Bardem

Réalisateurs : Watchosvkys Sisters, Isabel Coixet, Fernando León, Daniel Monzón, Danny Boyle et Michael Haneke entre autres

Musique  :Ennio Morricone, Nina Simone, Alicia Keys, Whitney Houston etc.

Côté plus intime, concernant les croyances, vous pratiquez le bouddhisme et cela vous apporte une vraie sérénité, dites-vous.

​Je le  pratique depuis près de 20 ans et ma vie a été presque complètement transformée. C’est un outil avec lequel vous vous transformez des racines aux extrémités. Nous croyons que la paix mondiale passe par le bonheur de chaque être humain. À la Soka Gakkai, un travail acharné est fait à travers le dialogue pour la paix et le désarmement nucléaire, entre autres choses.

 Vous avez récemment célébré l’anniversaire de votre père en lui dédiant le message très émouvant suivant : « Merci pour la vie, merci pour le voyage, pour les aventures, pour les enseignements, pour le travail, pour m’avoir appris à ne pas prendre la vie si au sérieux. Sérieusement, sans tout attendre être parfait mais tel qu’il est et ainsi ouvrir mon cœur et ressentir de la compassion. Merci de m’avoir appris à être patient même si tu es un pur feu…”

Oui, mon père m’a appris les valeurs humaines, la patience et le combat pour ce que je veux. J’ai dû me battre pour les droits et j’ai ainsi renforcé ma vie et la rencontre avec mes rêves et ma persévérance.

Ces dernières années, les femmes ont affirmé avec plus d’actes et de convictions leur désir de gagner les batailles pour l’égalité et l’équité et d’occuper une place centrale et décisive dans la société. Vous qui êtes déjà engagée sur de nombreux fronts, comme voyez-vous l’avenir?

Beaucoup de choses ont été accomplies et  mais il reste encore beaucoup à faire. J’espère qu’un jour  nous n’aurons plus à parler de combats ou de guerres.

Pour terminer cet entretien sur une note légère, notons que vous intéressez également les sponsors sportifs pour les publicités. Vous en avez déjà tourné pour une ligue espagnole de basket et pour Nike…

Oui, c’était il y a quelque temps. J’ai tourné plusieurs campagnes publicitaires nationales et internationales. Endesa était spécial, parce que j’ai pu  rencontrer  et decouvrir Oscar Lisbona et son histoire. C’est un joueur qui a eu un accident, il a été très gentil sur le plateau. Nous avions tourné la campagne Nike avec Alejandro González Iñarritu et Ronaldo

Et dans la vie de tous les jours, comment l’intérêt pour le sport se manifeste-t-il chez la comédienne de théâtre,l’actrice de cinéma et de télévision, la passionnée de philosophie ?

J’essaie de garder une routine. Je pratique la  marche, le vélo et le fitness.Mais parfois je m’en passe. Ce truc de routine est un peu difficile pour moi. Le sport, c’est sain quand on en prend l’habitude et ça fait du bien même si je ne suis pas une athlète d’élite. A l’école j’ai gagné une médaille mais ça n’a jamais été ma spécialité. En littérature, j’avais les meilleures notes  (rires).

Propos recueillis par Fayçal CHEHAT

BONUS : En quelques mots ou phrases, dites-nous ce que la Méditerranée représente dans votre imaginaire et quelle place  occupe-t-elle  dans votre créativité.

Eh bien, je ne peux pas m’empêcher de parler d’Ibiza en pensant à la Méditerranée. Ibiza et ses couchers de soleil, ses lieux magiques.  Cette île compte beuacoup pour moi depuis l’âge de 14 ans lorsque je l’ai découverte en nageant  dans ses magnifiques eaux cristallines. Ainsi qu’à Formentera. Beaucoup de mes aventures  sont nées là-bas… Mais  ça, c’est une autre histoire. Que je vous raconterai un autre jour (rires).

Propos recueillis par Fayçal CHEHAT

 

LES PRÉFÉRENCES DE PATRICIA

Votre livre : Crime et Châtiment
votre film : La vie est belle
Votre série : Sense 8
Ta chanson : Si je ne t’ai pas
Votre ville : Rio de Janeiro
Votre peintre : Dali et Leonora Carrington
Votre acteur : Javier Bardem
Votre actrice : Meryl Streep
Votre parfum : Angel de Tierry Mugler
Votre sport : Patinage
Votre talent caché : Créativité illimitée
Votre voyage inoubliable : Thaïlande et Costa Rica

 

LIENS

 https://youtu.be/XetQ8RpbTRA

www.patriciamorueco.com
www.ishaluna.com
www.manupcampaign.org

Photos :  Remerciements à Patricia Morueco Dominguez 

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