“Houria”: ces Algériennes sont formidables !
C’est peut-être la naissance d’un duo algérien performant et gagnant au cinéma.Celui que forment la réalisatrice Mounia Meddour et l’actrice Lyna Khoudri. Méditerranéennes Magazine a beaucoup aimé “Houria”, leur deuxième film.
En effet, après la sortie sensationnelle de “Papicha” en 2019, récompensé à Cannes et dans bien d”autres festivals à l’international, la réalisatrice, et la comédienne qui monte, ont mis dans la balance leur talent respectif pour nous offrir un bonheur de film. “Houria” est en effet une perle à découvrir.
Comme le premier long métrage, ce deuxième opus traite de la situation des femmes vingt ans après la décennie noire qui a vu le terrorisme islamiste faire des dizaines de milliers de morts. C’est l’histoire de la résilience et de la bataille menée par les Algériennes pour leurs libertés individuelles et collectives dans une société encore corsetée par un patriarcat dont la violence peut être féroce.
Le tout grâce à un scénario bien ficelé : “ Houria” ( Lyna Khoudri) suit des cours dans l’école de danse de sa mère et prépare son diplôme pour devenir professeure de sport. Afin de gagner un peu d’argent, la jeune femme fait des ménages et, le soir venu, parie sur des combats clandestins de béliers.
Un soir, un homme la poursuit pour lui voler la somme qu’elle vient de remporter. L’altercation provoque la chute d’Houria dans un escalier. Lourdement atteinte aux jambes, elle voit ses rêves de ballerine s’envoler . Traumatisée, le corps meurtri, elle perd l’usage de la parole, et se reconstruit auprès de femmes handicapées, la plupart muettes comme elle. C’est par l’expérience féminine collective, la danse contemporaine, le langage des signes, que Houria se relève“.
Meddour : “Lyna et moi, on est de grandes bosseuses”
Mounia Meddour a expliqué dans les colonnes du magazine spécialisé cnc.fr pourquoi elle a confié à la star révélée par “Papicha” le rôle principal du film qui a été tourné à Marseille au lieu d’Alger faute de permis accordé par les autorités algériennes.
Un crève-coeur pour la production : “ Je n’ai pas hésité une seule seconde avant de proposer Houria à Lyna. Pour prolonger le bonheur de notre collaboration sur Papicha. Mais aussi parce qu’il était évident, même si Lyna ne dansait pas, qu’à une excellente danseuse qui allait fabriquer son « algérité », j’allais préférer une excellente comédienne qui connaissait sur le bout des doigts l’Algérie et allait m’aider dans le défi de la reconstruire à Marseille.”
Mounia Meddour ajoute, au sujet de la belle connextion qui la lie à son actrice fétiche: « On est de grandes bosseuses. Cela correspond à notre façon de fonctionner mais aussi au fait qu’on touche à des sujets sensibles comme le handicap et l’Algérie ce qui accentue notre sens des responsabilités. On a parfois l’impression d’être des ambassadrices d’un pays qu’on voit peu au cinéma. »
Si le film est limpide, émouvant, passionnant. Et s’il réussit à écarter toute invraisemblance, c’est parce qu’un travail munitieux a été effectué à tous les niveaux. Particulièrement concernant la danse et la chorégraphie coeur du spectacle offert par “Houria”.
Cette fois, c’est Lyna Khoudri qui en parle avec fierté :« .J’ai commencé à danser dès que j’ai su qu’on allait faire le film, a-t-elle confié au quotidien Var-Matin, car la danse exige une grosse discipline. Mais cela m’a fait du bien et, comme tous les moyens sont bons pour rentrer dans un personnage, je suis allée jusqu’à adopter le même régime alimentaire que les professionnelles. Je voulais avoir le même poids, leurs mimiques… et j’avais décidé de marcher comme elles en extérieur. Au plus je mimais, au plus je me sentais Houria”.
Les deux jeunes femmes n’ont pas que le talent en commun. Elles ont aussi le goût du travail et du perfectionnisme. « On est de grandes bosseuses, détaille Mounia Meddour. Cela correspond à notre façon de fonctionner mais aussi au fait qu’on touche à des sujets sensibles comme le handicap et l’Algérie ce qui accentue notre sens des responsabilités. On a parfois l’impression d’être des ambassadrices d’un pays qu’on voit peu au cinéma.”
” J’ai envie de partir. J’ai envie de vivre. Je veux respirer ”
Le bel exploit de la réalisation ? Avoir réussi à faire de la reconstruction du corps blessé et de l’âme abimée de Houria le centre névralgique du film. Mais si le drame est réel, la place de la danse, de la chorégraphie et de la musique font que la température n’est jamais étouffante.
La communauté de femmes formidables, un authentique gynécée, qui entoure l’impressionnante Lyna nous plonge durant 1h 40 dans un tourbillon d’émotions : rires et larmes se succèdent. C’est un film vivifiant, résolument optimiste en dépit des failles qu’il décrit.
Au tout début du film, Sonia (formidable Meriem Medjkane), la meilleure amie de Lyna a cette phrase uppercut qui résume tout le mal être féminin dans un pays pourtant gorgé de soleil : ” J’ai envie de partir. J’ai envie de vivre. Je veux respirer”.
Côté sombre, Sonia finira noyé après avoir voulu traverser clandestinement la Méditerranée. Côté optimiste, Houria sort petit à petit de son mutisme et entre en résistance. Pour un temps au moins. Jusqu’à la prochaine usure ?
Le film “Houria” ne se raconte pas, il se déguste. Les spectateurs doivent être bien calés dans un fauteuil en velours dans une salle sombre.Prêts à recevoir les punchlines et les caresses. Ils peuvent sortir de la salle à la fois effrayés par les injustices qui frappent les femmes de l’autre côté de la Méditerranée et tellement rassurés par la force de résistance de ces Algériennes qui n’ont sans doute jamais oublié les batailles menées au fil des décennies, voire des siècles, par leurs aînées.
@Fayçal CHEHAT
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