Sept longues années de combat n’ont pas entamé la volonté chevillée au corps d’Oumelkheir Fellague de concrétiser son projet de création de Dar El Milok, la première maison d’hôtes dans la ville de Laghouat. Après un an d’existence, la jeune quarantenaire a accepté de nous parler de son havre de paix dans cette oasis aux portes du désert. Entretien avec une battante !

NB:Méditerranéennes peut  offrir à ses lecteurs ce bel interview  grâce à son partenariat ( échanges d’ interviews) avec le website  ! (Home – Dzair World).

Pourriez vous vous présenter à nos lecteurs?

Puis, je suis allée à Alger où j’ai fait des études de droit que j’ai abandonnées. J’ai fait une licence d’interprétariat que je n’ai pas finie pour raisons personnelles. J’ai vécu dans la capitale pendant pratiquement 20 ans. Ensuite, je suis revenue sur Laghouat où avec quelques amis j’ai créé une association culturelle (PACTE). J’ai repris mes études car j’avais toujours voulu faire une licence en littérature française. Parallèlement, avec mon ami Kaddour Bouzidi, nous organisions des rencontres littéraires et les rendez vous annuels de « La poésie au féminin ». J’ai obtenu mon master. J’ai toujours rêvé d’avoir une maison d’hôtes. Un projet qui me tenait à cœur parce qu’il me permettait de gagner ma vie tout en mettant en évidence les domaines que j’aime, à savoir le patrimoine, les arts, la culture, le tourisme et l’environnement ! Tout ce qu’il faut pour promouvoir le tourisme solidaire et éco-responsable. J’ai œuvré, avec l’aide de mes amis et proches, dans ce sens pour le concrétiser.

Combien de temps cela vous a-t-il pris avant que votre projet voie le jour?

Mon projet a pris beaucoup de temps avant de voir le jour. Par rapport aux moyens qu’il fallait avoir, mais aussi et surtout en raison des difficultés administratives que j’ai rencontrées. Ayant opté pour un mode d’hébergement qui était encore méconnu à Laghouat – et pratiquement récent dans quelques régions du Sud, à l’instar de Ghardaia, Bou Sâada, Timimoun ou Taghit -, ma première difficulté fut de présenter mon concept, de le développer et de le faire connaitre. Ensuite, cela a été une série interminable d’événements qui n’a fait que remettre à plus tard sa concrétisation, entre autres les élections, la pandémie…En tout, cela a pris plus de 7 longues années.

Concrètement, quelles difficultés se sont dressées sur votre chemin?

Les difficultés étaient surtout d’ordre matériel. Je ne partais de rien, j’avais un rêve que je voulais le réaliser. Je crois que ma volonté a été ma plus grande richesse. J’avais, à l’époque, fait beaucoup de démarches pour l’acquisition d’un bien immobilier en plein cœur du vieux Ksar. J’avais aussi fait une demande pour un terrain, mais rien n’a abouti. Toutes mes démarches sont restées sans suite. Pire, je n’ai pas été prise au sérieux ! Mais bon, cela ne m’a pas découragé pour autant. Ma famille et mes amis étaient là pour moi et tout le monde s’est dévoué pour m’aider du mieux qu’ils pouvaient, chacun selon ses moyens et ses capacités. Grâce à eux, j’y suis arrivée.

Y a-t-il d’autres maisons de ce genre dans votre ville?

Non, je suis la première, d’où les difficultés rencontrées ! Mais c’est aussi une aubaine. Etre le premier dans un domaine alliant tourisme et culture, cela comporte des avantages qu’il serait malhonnête de dénigrer. Cela dit, mon expérience pousse aujourd’hui beaucoup de personnes à s’investir dans des projets semblables. J’aime à croire que pareillement à la montagne du Milok qui ouvre la voie vers Laghouat, la Maison du Milok ouvre la voie pour beaucoup d’autres maisons qui, je le sais, feront le bonheur de nombreux touristes.

Pouvez-vous nous décrire Dar El Maylak (Maison du Milok)? 

Alors, la Maison Du Milok est une petite maison avec un rez-de-chaussée qui contient un salon, une cuisine ouverte sur un hall et des sanitaires. A l’étage il y a une grande et une petite chambre. Le tout pouvant accueillir jusqu’à 8 personnes. J’ai aussi un petit jardin que j’ai aménagé pour que les gens puissent respirer, se détendre autour d’un thé ou un café. Ma maison est un mélange entre le moderne et le traditionnel. Elle allie confort et rusticité, avec une déco atypique où chaque objet raconte une histoire. Les gens qui y ont séjourné jusqu’ici, pour reprendre leurs mots, la trouvent : « authentique et originale ». D’ailleurs beaucoup y ont laissé leur touche, en y ajoutant un bibelot, une photographie, un drap, une décoration, une bougie … des objets que je garde et que je mets en évidence car je trouve cela très touchant qu’ils veuillent participer, chacun à sa manière, à l’histoire naissante de Dar El Maylak

Vous dites que votre maison allie modernité et tradition. Que trouve-t-on de typiquement local?

On peut trouver des tapis, des matelas en laine, de la vaisselle ancienne, des petits ustensiles comme la Gnouna(de la vannerie dans laquelle on boit), de la poterie, le Mahress (pilon en cuivre), le Tadjine en terre cuite sur lequel faire du pain, un Kanoun pour griller du Felfel et des aubergines, de la vaisselle en cuivre, El Guesaa en bois pour manger un bon couscous traditionnel ou du Mardoud, et pleins d’autres objets décoratifs très anciens. Mais on ne va pas tout déballer, il faut laisser au gens le plaisir de découvrir par eux-mêmes !   

Qui sont les clients que vous accueillez ?

La plupart de nos clients font partie de la diaspora.Ils viennent par nostalgie, mais aussi pour découvrir ou redécouvrir leur pays. Il y a aussi des gens qui viennent de toutes les wilayas du pays, en plus de quelques étrangers. Notre clientèle est en majorité féminine. Je crois que le fait que l’hôte soit une femme y est pour beaucoup. Les femmes qui voyagent seules s’y sentent à l’aise et en sécurité.

Vous évoquiez le Milok qui annonce Laghouat. Pouvez vous nous en dire davantage sur cette montagne emblématique de votre région?

Tout d’abord, il faut savoir que le Milok est une montagne faisant partie de la grande chaine de l’Atlas saharien. Elle est emblématique de la ville de Laghouat, visible à plus de 70 km quand on vient du Nord. Quand on arrive d’Alger et qu’on voit le Milok, on sait qu’on est arrivé à Laghouat. Elle est magique, je dirais, puisqu’elle se présente comme une montagne quelconque au début, puis, à mesure que nous avançons vers elle, elle commence à s’ouvrir en éventail et se détache en dents de scie. Ainsi, elle nous accompagne sur plus d’une dizaine de kilomètres jusqu’à l’entrée de la ville. De forme circulaire le Milok contient un cirque à l’intérieur. Ce qui, vu d’en haut, lui donne la forme d’une assiette d’où l’appellation en berbère ancien « d’Imlak », « Mlak » ou « Maylak ». (« El Qass’a », « El Sahen » en arabe). Donc à l’image du Milok duquel il faut s’approcher de près pour le découvrir, il faut venir à la Maison Du Milokpour la découvrir ainsi que Laghouat.

Je crois savoir qu’El Qassa’a est un élément culturel important dans la vie des Laghouati, n’est-ce pas?

El Qassa’a, qui est un ustensile de cuisine autour duquel chaque vendredi les familles laghouati se rencontrent pour manger un couscous, est généralement le symbole de « Léma », c’est à dire de rassemblement, de partage, d’échange et de convivialité. Pour moi, la Maison Du Milok a pour vocation de rassembler les gens de différentes cultures afin de se rencontrer, d’échanger et de créer des liens.C’est quelque chose de vital. Dans ma tête des connexions se sont faites par rapport à la symbolique du lieu. C’est dans ce sens que j’ai nommé ma maison.

Quelle est la spécificité de Laghouat?

Laghouat servait de liaison entre le sud oranais et le sud constantinois. Elle était aussi la première étape sur les routes du Hoggar et du soudan, un axe vers les quatre points cardinaux.Au-delà de cet attrait géographique qui lui confère, jusqu’à nos jours, cette position stratégique, Laghouat est une magnifique oasis, considérée comme la porte du désert, belle et rebelle avec des paysages sauvages à couper le souffle. Elle est le centre névralgique des régions touristiques les plus prisées, à l’instar de Djelfa, Tiaret, Ghardaia et El Bayadh qui bordent ses frontières. Sa proximité avec d’autres oasis de renom comme Biskra et Bou Saada, sa richesse en curiosités géologiques, en patrimoine et en sites historiques ainsi que la diversité de ses paysages et de ses reliefs, tout autant que son histoire, en font une plaque tournante et une escale incontournable. Malheureusement, cette ville oasienne à la culture ksourienne, ainsi que tous les trésors quelle recèle (gravures rupestres, monuments funéraires,  zaouias, barrages, forts, caravansérails, ksours, musées, paysages, etc.), restent méconnus du grand public.

Justement, comment vous faites-vous connaitre?

A travers les réseaux sociaux (Instagram, Facebook). Le bouche à oreille a très bien fonctionné pendant les dix premiers mois. Cela fait une année que Dar El Maylak existe.

On dit que votre région a inspiré pas mal de personnalités…

Oui, tout à fait. Laghouat, ville de lumière au mille couleurs, a de tout temps inspiré des artistes de tous bords : peintres, écrivains et poètes confondus; dont l’illustre Eugene Fromentin qui lui consacre une bonne partie dans son livre « Un été dans le Sahara », ainsi que Jean Méliadans son livre « Laghouat ou les maisons entourées de jardins ». Il y a eu aussi, Gustave Guillaumet, Etienne Dinet, Emile Dermenghem, El Ayachi Edari, Ibn Khaldoun et Abdallah Ben Keriou, Albert Camus, pour ne citer que ceux-là.

L’un de vos buts est de promouvoir le tourisme en faisant de votre ville non pas une escale mais une destination...

Laghouat a été lésée pendant un assez long moment. Les gens n’y passaient plus pour s’y arrêter. C’était juste une escale sur un chemin donné. J’ai voulu changer cette image. Notre région regorge de richesses sur le plan géographique, historique, artistique, littéraire…Il y a beaucoup de choses à découvrir. Pour ce faire, on organise des circuits pour raconter l’histoire de la ville et faire découvrir les trésors de son patrimoine matériel et immatériel comme les vues panoramiques des deux marabouts de Sid El Hadj Aissa et Sidi Abdel Kader, le vieux ksar, l’église et le fort Morand, le fort Bouskarene…La région recèle quant à elle de magnifiques paysages, plus d’une cinquantaine de stations de gravures rupestres, sans oublier les établissements humains et les monuments funéraires. En dehors de la saison des fantasias, on peut aussi visiter la Zaouia Tidjania, le palais de Kourdane, le barrage inferoflux de Tadjmout, le barrage de Seklafa, les différents caravansérails et relais de diligence et les ksours. Il y a également le fameux cratère de Madna.

Si on devait trouver un slogan qui résume Dar El Maylak, lequel serait-ce?

Sincèrement, je n’aime pas trop les slogans. Je leur trouve une connotation commerciale. Cela réduit l’être à un simple consommateur, alors que mon concept privilégie l’humain. Je dirais simplement que Dar El Maylak, c’est être ailleurs tout en étant comme chez soi !

Entretien réalisé par Nasser Mabrouk

(Home – Dzair World).

NB: Oumelkheir Fellague est licenciée en langue française. Elle est par ailleurs responsable des activités culturelles au musée communal de Laghouat et membre fondatrice de PACTE, une association qui oeuvre pour la promotion du patrimoine, des arts, de la culture, du tourisme et de l’environnement. Nous vous proposons de découvrir, à travers sa responsable de la communication, cette structure associative qui se bat pour que vive la Culture dans la Wilaya de Laghouat. Dans cette première partie d’entretien, Madame Oumelkheir Fellague nous présente l’association PACTE et les diverses actions qu’elle mène sur le terrain (source (Home – Dzair World)..