Fatima Hassouna ( Photo )

Fatima Hassouna: elle était devenue « l’Oeil »de Gaza

La très jeune journaliste et reporter photographe palestinienne Fatima Hassouna, 25 ans,  a été tuée le 16 avril, ainsi que dix membres de sa famille, suite a un bombardement ciblé  de sa maison située dans le quartier d’Al Touffah au nord de la bande de Gaza par l’armée israélienne. Elle était le témoin de la guerre menée  sans répit contre son peuple par l’armée de Tshalal  depuis 20 mois.

Une fin dramatique survenue quelques heures seulement après qu’elle avait été informée que le documentaire, « Put Your Soul on You,  réalisé par l’Iranienne Sepideh Farsi,  dont elle était la protagoniste et source principale du contenu, avait été sélectionné pour la 78e édition du Festival de Cannes.

« Put Your Soul on Your Hand and Walk » est donc basé sur les reportages qu’elle réalisait au quotidien  depuis la reprise du conflit israélo-palestinien  en octobre 2023. L’objectif de la reporter était de documenter et de narrer le quotidien de la population  de ce territoire martyr.Une activité très périlleuse  et sans répit  et dont elle  était consciente qu’elle pouvait en mourir. Elle avait d’ailleurs frôlé la mort lors d’un précédent bombardement (13 janvier 2024 à  qui avait déjà coûté la vie à douze membres de sa famille.

La diplômée en multimédia du collège universitaire des sciences appliquées de Gaza, s’était engagée sans réserve et avec passion dans cette bataille de l’info pourtant tellement inégale. En fait, Fatima Hassouna était  surtout consciente que les clichés, les images des dommages causés par les bombardements, ainsi que  les sons et les paroles  récoltés  sur le petit territoire assiégé et asphyxié par l’envahisseur, étaient l’unique moyen  pour les Palestiniens de faire connaître au reste du monde les grandes souffrances dont ils sont victimes depuis près de deux ans.

Il faut rappeler aussi que  la présence de la presse internationale  dans ce territoire en grande souffrance  est bannie par le pouvoir de Tel Aviv. Ce qui à fait dire à Francesca Alabanese, rapporteuse spéciale des Nations unies  en Palestine, à l’annonce de sa mort :  « Une énième reporter palestinienne a été tuée à Gaza. Son crime ? Faire la chronique du génocide à travers des articles et des photos percutantes ». Depuis le début de l’offensive israélienne, plus de 200  journalistes palestiniens ont laissé leur vie en tentant de faire leur devoir d’informer.

Si sa mort de la reporter  à fait le tour du monde et a provoqué une tempête d’émotion sur les réseaux sociaux, l’hommage le plus vrai  et le plus puissant rendu à sa brutale disparition est venu de sa partenaire dans le documentaire, la réalisatrice iranienne,Sepideh Farsi.  « Fatima est devenue mes yeux à Gaza, et moi, une fenêtre ouverte sur le monde. J’ai filmé, saisissant les instants que nous offraient nos appels vidéos, ce que Fatima m’offrait, pleine de fougue, d’énergie »,  « J’ai d’abord refusé d’y croire, pensant à une erreur, comme il y a quelques mois, lorsqu’une famille homonyme avait péri dans une attaque israélienne. Incrédule, je l’ai appelée, puis envoyé un message, un autre, et encore un autre. (…) Toutes ces existences lumineuses ont été anéanties par un doigt qui a appuyé sur un bouton, et a lâché une bombe, pour effacer une maison de plus. »

Sepideh Farsi évoque  aussi dans les colonnes du quotidien du soir français Le Monde, avec respect et une forte empathie, le talent de la reporter de guerre  et l’organisation que les deux femmes avaient mis en place pour la construction rigoureuse de leur documentaire: « Tous les jours, elle m’envoyait des photos, des messages écrits, des notes vocales. Quand la connexion le permettait, on faisait des appels vidéo. Tous les matins, je me réveillais en me demandant si elle était toujours en vie.  On avait un pacte : je ne lui cachais rien et je lui disais où j’étais – à Cannes, à Montréal, à Nancy – et je lui envoyais des photos. Et elle partageait avec moi ses peurs, les ravages, les restrictions. J’ai vu en direct des frappes autour de Fatem, j’entendais son cri. Je me demandais si elle allait reprendre le téléphone portable qui venait de tomber de sa main après les bombardements ».

Sepideh Farsi (Iran) réalisatrice ( photo Villa Albertine)
Sepideh Farsi (Iran) réalisatrice du documentaire Put Your Soul on Your Hand and Walk  avec la reporter photo  Fatima Hassouna ( photo Villa Albertine)

 

Si Fatima Hassouna laisse derrière elle l’image d’une personnalité hors norme, elle était aussi consciente que sa vie ne tenait qu’à un fil. Au pointde laisser un texte en guise de testament. Sentant la mort omniprésente rôder autour d’elle, elle a écrit ces phrases puissantes destinées aux siens bien sûr, mais également au reste du monde incroyablement indifférent à leur sort : « Si je meurs, je veux que ce soit une mort tonitruante. (…) Je veux que le monde entier entende parler de ma mort. Je veux qu’elle ait un impact qui ne s’estompe pas avec le temps. Je veux des images qui ne peuvent pas être enterrées dans l’espace ou le temps. »

@Fayçal CHEHAT

 

 

 

 

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