Farah Nabulsi, cinéaste habitée par la Palestine
Farah Nabulsi est une anglo-palestinienne habitée par le pays d’origine de ses parents. Un père égyptien et une mère palestinienne qui avaient émigré à Londres en 1967 au lendemain de la “guerre des six jours” entre Israël et l’Egypte. Ses premiers pas dans la réalisation cinématographique ont pris la forme d’un documentaire, “The Présent” (2020) et qui lui a permis de livrer les premiers signes d’un talent évident.
Que la cinéaste engagée dans les batailles pour les droits de l’homme vient de confirmer avec ce premier long métrage, ” The Teacher“, tourné en Cisjordanie dans des conditions difficiles. Le film narre un récit émouvant et puissant, inspiré d’événements réels se déroulant dans un territoire où sont explorés les défis rencontrés par un professeur de lycée et ses élèves alors qu’ils vivent sous l’occupation israélienne.
Le personnage central, magistralement interprété par Saleh Bakri, Bazem dans le film, apparaît comme un héros, un enseignant qui s’efforce de protéger ses élèves contre les arrestations et les multiples dangers qui les guettent dans un pays laminé par un violent colonialisme”. Le parti pris de la réalisatrice est claire mais il en même temps fortement assumé.
Dans un long entretien publié dans les colonnes du quotidien égyptien Al-Ahram, sans doute le plus historique et le plus puissant journal du monde arabe, Farah Nabulsi rappelle qu’elle ne se destinait pas à devenir une réalisatrice pour grand écran. « Je n’ai pas étudié le cinéma ou la réalisation. Je viens d’un milieu très différent. J’ai étudié les investissements, la banque d’investissement et la finance”.
Mais c’est la redécouverte de ce pays qui lui est si cher qui l’a amené à se lancer sur le chemin de la réalisation : “J’ai visité la Palestine à plusieurs reprises et c’est en partie pour cela que je suis devenu cinéaste. Je suis allé en Palestine en tant qu’adulte, il n’y a pas si longtemps, et j’ai vu de mes propres yeux ce qui se passait sur le terrain, tout ce que je pensais savoir et comprendre avant cela n’était rien comparé à ce que j’ai vu de mes propres yeux.
“Lorsque j’ai écrit le court métrage The Present, j’étais basé sur ma propre expérience en tant que témoin de ce qui se passe aux points de contrôle. Bien sûr, lorsque vous tournez un film, vous passez beaucoup de temps sur place, aux repérages, au casting et à tout ce qui touche à la préparation du film. J’ai passé plus de trois mois à préparer le tournage de The Teacher...”
Puis Farah Nabulsi rappelle qu’elle a insisté pour que le tournage se fasse in situ. Car elle voulait que sa fiction soit le plus imprégnée possible des conditions réelles. Une fiction certes mais qui doit palpiter comme un coeur vivant.Le coeur vivant d’une nation et d’un peuple qui se débat à la fois dans la souffrance et la foi en la sortie du tunnel.
” Je ne pourrai jamais dire que j’ai l’expérience directe et absolue d’être un Palestinien comme quelqu’un qui a passé sa vie là-bas, voire un an, mais j’ai certainement passé beaucoup de temps là-bas, sur le terrain, à ressentir et à comprendre le réalité. Cela fait partie de mes recherches et de ma nécessité de bien comprendre les choses afin de pouvoir représenter cette réalité dans la fiction, et bien sûr, mon travail de fiction est très fortement enraciné dans cette réalité, à laquelle je voulais rendre justice…
“Nous ne parlons pas de drame d’époque. Je ne raconte pas d’histoires qui se sont produites il y a des décennies ou des centaines d’années. Il s’agit d’une réalité d’occupation militaire, de colonisation de peuplement, d’apartheid qui se produit encore aujourd’hui, donc cela s’accompagne de la responsabilité d’essayer de rendre justice à cette réalité, à la réalité de tant de personnes qui souffrent en ce moment”
Depuis sa sortie en septembre, le film a raflé bien des récompenses. Comme Le Red Sea International Film Festival ( à Jeddah di 30 novembre au 9 décembre) ou Saleh Bakri s’est vu décerner le prix du meilleur acteur alors que Farah Nabulsi a remporté le prix spécial du jury. le film a également fait une grosse impression en Egypte lors du sixième Festival du film d’El-Gouna ( 14-21 décembre) Avant, il y avait eu un passage réussi le 9 septembre au festival international du film de Toronto.
Pour mémoire, en 2021, le premier film de Nabulsi, “The Present “, avait été nommé pour l’Oscar du meilleur court métrage d’action réelle.
#Fayçal CHEHAT
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