Dalila Dalléas Bouzar et son “Vaisseau infini”
Déjà précédée d’une belle réputation et notamment pour son intérêt manifeste et appuyé pour les peintures rupestres tant en France qu’en Algérie, l’artiste peintre et performeuse franco-algérienne, Dalila Dalléas Bouzar, va connaître une vraie heure de gloire à partir du mois d’octobre lorsque son exposition intitulée “Vaisseau Infini” larguera ses amarres au Palais de Tokyo à Paris. Financée partiellement par le prix SAM Art Projects, dont elle avait été la lauréate en 2021.
Cette fois c’est au Tassili n’Ajjer, dans le Sahara algérien, que celle qui a suivi des études de Biologie à l’université Pierre et Marie Curie à Paris puis des études en Art à l’École des Beaux Arts de la Ville Lumière a trouvé son inspiration pour son projet.
Une ambitieuse réalisation formalisée d’une impressionnante tente hexagonale sous la forme d’une tapis- serie de velours noir de 30 mètres de long et 3 mètres de haut. Le tout travaillé avec ferveur et patience en grande partie dans des atliers de couture à Tlemcen par des brodeuses du terroir.
Le “Vaisseau infini” est décrit ainsi par le catalogue du projet : ” A l’extérieur, brodées, colorées et parfois perlées, de nombreuses figures animales, humaines et des signes plus abstraits formeront une frise dansante. A l’intérieur on verra les fils et les noeuds au dos du velours. Durant l’exposition, le chapiteau sera ouvert et accueillera des spectacles, des performances, des rencontres, de la musique”.
Comment l’artiste a-t-elle travaillé sur cette oeuvre complexe ? Ne voulant pas se contenter de photographies scientifiques, la native d’oran, 49 ans, décide en 2022 de faire le grand voyage et de séjourner plusieurs semaines dans ce temple de l’art rupestre au coeur du sahara algérien pour dessiner et aquareller des centaines de dessins et gravures datant du néolithique.
Un travail de fourmi patient et précis à l’image de celui qu’accomplissaient les préhistoriens du 19e siècle. De la copie, beaucoup de copies droit face au mur. Jusqu’à se constituer un répertoire impressionnant : ” mélange de formes, figures humaines féminines et masculines, immobiles ou en mouvement, à différents stades de schématisation ; figures d’animaux, bovins ou antilopes, arrêtés ou courant; pictogrammes végétaux ; et des signes symboliques…”
Dalila Dalléas Bouzar a toujours revendiqué que ses deux médias préférentiels sont la peinture et la performance et s’en est expliquée : ” La première est un mode de représentation en 2 D et s’inscrit dans le temps puisqu’on va dans un musée pour apprécier des oeuvres réalisées plusieurs centaines d’années auparavant et offre un rapport indirect avec le public.
“De l’autre côté, ajoute-t-elle, la performance est dans le temps direct, donc dans le réel et apporte au public quelque chose que la peinture n’apporte pas: ne pas tricher puisque je suis amenée à sortir de ma zone de confort”. Elle pense aussi que la performance lui permet d’agir artistiquement ” loin des espaces cadrés par l’art contemporain”.
En dehors de l’événément à venir au Palais de Tokyo, sur lequel nous reviendrons le moment venu, et en dépit de sa relative jeunesse, la Parisienne (18e arrondissement) puis Bordelaise d’adoption, présente depuis des lustres un panel d’oeuvres et de performances incroyablement riche en qualité et dans sa diversité thématique.
Exemples. Déconstruction du statut de la femme arabe dans Studio Orient (Quai Branly, 2019), présentation du lien du peintre au monde et au musée 1/365 Revolution(Musée des Civilisations noires de Dakar, 2019), questionnement du statut du peintre durant la performance Studio Dakar (2018), dans le cadre de la Biennale de Dakar, en réalisant à l’huile les portraits de passants à Ouakam et Grand-Yoff (Sénégal).
En 2019, toujours, en conclusion d’une résidence féconde en Algérie en compagnie de brodeuses traditionnelles, son œuvre textile Innocente a été présentée au Musée du Bardo (Algérie) puis à la Galerie Cécile Fakhoury à Abidjan (Côte d’Ivoire).
Plus récemment, Dalila Dalléas Bouzar a exposé dans Memoria : récits d’une autre histoire (FRAC MECA, Bordeaux, France, 2021), Eden (Galerie Cécile Fakhoury, Paris, France, 2021), Regards hors champs et paysage (La Fab., Agnès B., Paris, France, 2020).
@Fayçal CHEHAT
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