Maya Youssef, maîtresse syrienne du qanun

Maya Youssef est une perle de la musique syrienne en particulier et arabe en général. C’est une formidable virtuose du qanun cet instrument à cordes issu de la famille des cithares sur table.  Celui qu’elle utilise n’est pas le plus aisé des instruments. Avec 78 cordes, il n’est pas  facile à maîtriser. En bois d’érable, il a été fabriqué amoureusent  par un artisan  de la ville d’Alep.

Mais l’effort est surmontable lorqu’on grandit comme elle au sein d’une  famille où l’écoute et la pratique de la musique sont des vertus protégées et encouragées tous les jours que Dieu fait. Une culture musicale aux sources multiples  qui font place sans distinction aux compositions classiques africaines, occidentales et arabes.

La native de Damas, 33 ans,  fait l’actualité avec la sortie de son dernier almbum concept intitulé “Finding Home”. Avec cette fois  l’introduction d’instruments occidentaux. Le quanun, Maya  le découvre à l’âge de huit ans avant qu’il ne se transforme en une impressible passion. Laquelle passe bien sûr par une formation de haut vol inscrite dans le long cours. Cinq ans  durant elle fréquente les salles  du prestigieux Institut Supérieur de Musique de Damas.

Des années bonheurs avant la plongée terrible de son pays dans une longue nuit d’une guerre civile effroyable destructrice à tous les niveaux. Y compris bien sûr pour le riche patrimoine et   la formidable activité culturelle qui caractérisait le pays. Outre la formation d’excellence, Maya avait fait partie  d’une troupe  itinérante de musiciennes renouant avec la musique arabe traditionnelle qui l’emmena dans différentes régions du monde  et notamment en Asie.

Puis vint le temps de l’émigration, quelques années avant le déclenchement de la houle folle qui allait bouleverser sa patrie. Maya et sa famille se sont installées  dans un premier temps, en 2007, à Dubai avant de poser  leurs valises à Mascate. Dans la  capitale du Sultanat d’Oman, où à l’âge de 18 ans, mais déjà  forte  de sa déjà belle expérience, elle donne des cours à de jeunes filles de son pays d’accueil.

Mais en 2012, l’exil prend une autre forme. Plus concret. C’est à Londres qu’elle s’installe loin des parfums et des senteurs de son Orient tant aimé.Mais également loin des déflagrations qui ont commencé à arroser sa Syrie natale du sang des victimes innocentes par milliers et des intolérances politiques et religieuses sans fin.  Le déracinement à Londres est un déclic. La nostalgie de cette patrie qui s’éloigne en même temps que s’accélère le rythme effreiné des bombardements aveugles et la détresse des innocents provoque chez elle un torrent de créativité.

 

Dans un entretien accordé à un magazine saoudien, elle raconte la génèse de son premier album intitulé “Syrian Dreams”  édité  à la fin de l’année 2016. “C’était en 2012, j’étais assise dans mon appartement à Londres, regardant les informations, et il y a eu ce moment où j’ai vu une petite fille, du même âge que mon fils – environ trois ans et demi – tuée dans  sa chambre à Damas. Cela m’a bouleversé. À ce moment-là, j’ai compris  que je pourrais ne jamais revenir en arrière. Que je pourrais perdre mon pays. Il  faisait vraiment noir, j’étais en larmes, j’ai tenu l’instrument et les rêves syriens ont juste jailli du plus profond de mon être. Je n’avais jamais ressenti le besoin d’écrire auparavant, mais la musique est devenue pour moi un véritable exutoire pour parler de tout ce que je ressentais. C’était très brut, et ça venait d’un endroit de pure vulnérabilité.”

Et puis, Maya Youssef est surtout fière d’être une des rares femmes à jouer du kanun à ce niveau d’excellence, alors que dans son pays et dans toutes les contrées arabes voire asiatiques, les hommes ont fait de cet instrument noble et difficile à maîtriser, leur territoire quasi exclusif. ” La musique ne devrait jamais être genrée,  a  martélé  l’artiste syrienne  en dans les colonnes du magazine digital émirati thenationalnews.com, mais la réalité est que, dans la (musique) arabe, les femmes sont une très petite minorité. Nous sommes peut-être trois à cinq pour cent de joueuses de qanun”.

Et Maya de pousser encore plus en avant sa réflexion: ”  J’ai une théorie à ce sujet. Je pense que parce que le qanun est un instrument si important – il se trouve au cœur de l’ensemble – dès que vous avez un qanun sur vos genoux, alors vous avez les projecteurs sur vous. Peut-être que pour quelqu’un qui n’accepte pas qu’une femme soit sous les projecteurs ou puissante, il trouverait cela radical. Il n’y a pas très longtemps, quelqu’un m’a traité de radical. C’est un symbole de pouvoir caché, pour ainsi dire, c’est pourquoi je pense que nous ne voyons pas beaucoup de femmes y jouer”.  Il faut savoir que Maya, cette Maîtresse absolue du qanun  est aussi –  elle qui a  connu aussi les affres des violences conjugales –  une vraie  panthère au service de la défense des droits des femmes.

@Fayçal CHEHAT

 

* Maya Youssef commence une tournée de trois mois en Grande Bretagne avec au coeur du programme son album “Finding Home”.

 

 

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