Italie: «Mia moglie »ou la meute harceleuse

Le combat des femmes pour le respect de leurs droits humains et leur bataille pour le respect  de leur dignité  et de leur intimité  à tous les niveaux que ce soit au travail, dans  leur vie privée ainsi que dans l’espace numérique, aujourd’hui quasi dominant, n’est pas prêt de finir.

Comme et venu le confirmer ce qui se passe en Italie depuis quelques jours : la découverte  de l’existence d’un groupe Facebook intitulé Mia moglie,  qui signifie “Ma femme” en italien. Un lieu d’échanges créé en 2019 qui réunit plus de 32000 hommes  dont l’activité essentielle consiste à partager  et à commenter  les photos intimes de leurs compagnes, épouses, simples amies, voire des inconnues, partagées massivement. Toutes prises à leur insu  et les montrant, nues, en sous-vêtements, à la plage, en voiture ou dans un site commercial. Ces photos étaient bien sûr toujours  accompagnées de commentaires salaces.

C’est une influenceuse, scénariste TV, auteure et militante féministe  milanaise, Carolina Capria, qui a dénoncé ce groupe  sur sa page Instagram après qu’elle fut alertée par des abonnées à son compte personnel au nombre  190 000.  Suite à l’avalanche de plaintes sur les réseaux sociaux, et auprès des services de la police italienne,  le groupe Facebook, public à la pratique immonde été fermé le 21 août  par Meta. 

Carolina Capria l’auteure et influenceuse qui  a été la première à mener campagne contre « Mia Miglio »

Dans un communiqué transmis aux agences de presse du pays, Meta aurait déclaré que la suppression du groupe « Mia Moglie »  l’a été  en raison des « violations de notre politique contre  l’exploitation sexuelle des adultes». Selon la quotidien Corriere de la Sierra, le porte-parole de Meta n’a laissé aucun doute sur sa volonté de sévir contre ce genre de pratique  en déclarant : « Nous interdisons tout contenu menaçant ou encourageant la violence sexuelle, les abus sexuels ou l’exploitation sexuelle sur nos plateformes. Si nous prenons connaissance de contenus incitant au viol ou prônant le viol, nous pourrons désactiver les groupes et les comptes qui le publient et transmettre cette information aux forces de l’ordre »

De leur côté, les familles politiques transalpines n’ont pas tardé à réagir. À  l’image  du parti démocrate qui est intervenu pendant une commission parlementaire  intitulée  » Féminicide et violence » pour dire, selon la chaîne télé,  sa réprobation : « Nous trouvons l’existence de ces conversations misogynes déconcertantes et inacceptables, car elles reflètent une culture de la possession et de l’oppression qui ignore le consentement des femmes ».

De son côté, la première ministre italienne Giorgia Meloni s’est dite  « écoeurée par ce qui s’est passé. Je tiens à exprimer ma solidarité et mon soutien à toutes les femmes qui ont été offensées, insultées et dont l’intimité a été violée. Il est décourageant de constater qu’en 2025, il existe encore des personnes qui considèrent normal et légitime de bafouer la dignité d’une femme et de la cibler par des insultes sexistes et vulgaires, en se cachant derrière l’anonymat ou un clavier. La meilleure défense dont nous disposons (…) est de signaler immédiatement» 

  » Un ressentiment des hommes face à la liberté acquise par les femmes « 

Invitée du supplément « Magazine « D » du quotidien La Republicca, l’éminente sociologue  Anna Simone estime  que cette dérive  est le symbole « d’une violence profondément enracinée, d’un patriarcat «en crise». Puis de pousser plus loin son analyse :  «Autrefois, les hommes pouvaient exclure les femmes de la scène publique et ainsi exercer un pouvoir sur elles, analyse la sociologue. Aujourd’hui, la situation a changé, mais malheureusement, la liberté acquise par les femmes a généré une sorte de ressentiment général de la part des hommes à leur égard, et ce ressentiment se traduit par de la violence physique, psychologique ou symbolique.» Pour l’auteure de  il n’est surtout pas question d’écouter tous ceux qui pourraient sortir l’antienne « c’était mieux avant ». «On lit beaucoup sur les réseaux sociaux: «Les hommes d’autrefois, nos pères, nos grands-pères, ne l’auraient jamais fait.» Mais est-ce le cas? En réalité, ils ne l’auraient jamais fait pour une raison très simple: parce qu’ils considéraient le corps féminin comme étant sous leur égide, sous leur tutelle. Celui qui touchait à «sa» femme atteignait aussi l’homme, décrit encore Anna Simone. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, la femme n’est plus une «propriété», et c’est justement pour ça que les hommes se vengent.»

Malgré cette levée de bouclier unanime dans la Grande Botte, les délinquants du numérique dénoncée  dans cette affaire ne semblent pas avoir l’intention de s’amender et encore moins de battre en retraite puisqu’ils ont vite faite de se rabattre sur d’autres plateformes pour poursuivre leur campagne de harcèlement des  femmes C’est ainsi que des médias lourds, tel que le quotidien « La Répubblica », ont révélé les harcéleurs auraient déjà posé leurs valises sur les applications mondiales Telegram voire WhatsApp en ne prenant même pas le soin de maquiller leur projet en l’intitulant «Chat di Mia Moglie» Après s’être lancés dans une nouvelle traque, les services de sécurité italiens se seraient heurtés à la mauvaise  foi et le refus   de coopération. des représentants de  Telegram. Ce qui a fait à Barbara Strappato, vice-patronne de la Polizia Postale chargée de luuter contre la criminalité en ligne : « Ce qui frappe, c’est le manque de respect total, cette haine dirigée uniquement contre les femmes».

 

Morceaux choisis du fonctionnement dde « Moglie Mia » décrypté par le journal Torino Cronaca.

« » Intitulé « Ma Femme ❤️❤️❤️ », il s’agit d’un groupe Facebook public, visible par tous, où chaque jour des dizaines d’hommes publient et commentent des photos intimes ou volées de femmes sans méfiance. Pas besoin de se connecter, pas de filtre : un seul clic suffit pour accéder à un espace où l’absence de consentement est de mise. Plus de 31 000 membres y sont inscrits. Les messages, tous signés par des profils plus ou moins anonymes, vont des fantasmes les plus explicites aux annonces qui ressemblent à des demandes de rencontres limites : « Je ne suis pas un habitué, je recherche le respect et la confidentialité. Priorité aux célibataires.» Ou encore : « Du Piémont, quelqu’un à qui parler de ma femme (qui ne sait pas) ?»

Et puis, des discussions surréalistes déguisées en sondages érotiques : « Mieux avec ou sans poils ? J’ai toujours été un fan des poils ; plus il y en a, plus j’aime ça.» Et nombreux sont ceux qui parlent ouvertement d’épouses sans méfiance, de relations secrètes ou, pire encore, d’inceste. Mais au sein du groupe, quiconque tente de souligner que le partage non autorisé d’images intimes est un crime est immédiatement réduit au silence, insulté ou moqué.

«Certains ont indiqué avoir déjà porté plainte auprès de la police postale. Pourtant, la réaction des autres est souvent dédaigneuse : « Un moraliste tous les jours. Allez prier votre Dieu, mais ne m’embêtez pas.» La peur des répercussions, cependant, commence à s’insinuer. Certains utilisateurs suggèrent de « déménager sur Telegram, où c’est plus sûr », plaidant pour la confidentialité et une surveillance moins stricte. Mais la situation est réglée : des plaintes ont déjà été déposées et la police postale collecte des signalements pour identifier les responsables. Pendant ce temps, les photos continuent de s’accumuler, avec des likes et des commentaires. Et les femmes impliquées, presque toujours inconscientes, continuent d’être exposées. Non pas dans un coin obscur du web, mais au grand jour, sur l’une des plateformes les plus populaires au monde. Affaire à suivre

# Fayçal CHEHAT

 

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