Bouchera Baibanou est une femme accomplie avec un sacré tempérament. Et il en faut pour réussir une carrière professionnelle comme la sienne, elle est ingénieur en informatique et télécommunication et diplomée en gestion à HEC Montréal.

Et il en faut beaucoup plus sur le plan sportif  pour se fixer l’objectif  de planter le drapeau marocain sur les sept sommets les plus élevés du monde. L’Everest et l’Annapurna compris.  

Nous publions cet entretien passionnant à l’occasion de la performance réalisée il y a une semaine dans la chaîne de l’Himalaya, l’ascension  du mont Lhotse, le quatrième le plus haut du monde puisqu’il culmine à 8516 m.À 53 ans, la native est plus que jamais au sommet de son art.

Paroles d’une championne hors du commun. Surnommé à juste juste “La Dame des Pics”

 

Bouchra a planté le drapeau du Maroc sur les 7 sommets les plus hauts de la planète

 

Méditerranéennes Magazine. Comment en êtes-vous arrivée à vous  rapprocher des sports de montagne et à devenir  une alpiniste  confirmée ? 

Bouchera Baibanou : “Je n’ai pas choisi l’alpinisme,c’est lui qui m’a choisi. C’était notamment lors d’une expérience de grimpe en colonie de vacances. J’ai vraiment apprécié me retrouver dans la nature dans le cadre d’une randonnée.

A 26 ans, j’ai donc voulu poursuivre cette expérience plus intensément et je me suis retrouvée à gravir le plus haut sommet du Maroc, le Tubkal. Sans préparation ni équipements digne de ce nom  je me suis lancée dans cette aventure avec une amie.

Et là, j’ai ressenti une connexion unique avec la nature. J’ai été bouleversée par la splendide vue sur le Maroc. Et là, quelque chose à vibré à l’intérieur de moi. A partir de ce jour, j’ai compris que la montagne serait comme une amie et qu’elle  allait m’accompagner dans toutes mes initiatives.

J’étais alors animée par la découverte et, grâce à la montagne, je me suis découverte moi-même : mes limites, mon potentiels, mes ressources, ma persévérance, ma gratitude envers le Divin. Et ainsi je me suis lancée dans un énorme challenge : gravir les 7 plus grands sommets du monde !

J’ai osé rêver grand et être la première femme du Maroc à gravir les 7 plus élevés sommets du monde. Pour que ce rêve soit une réalité, je devais devenir une  grande alpiniste. Après le Kilimandjaro, je suis partie me former sur le Mont Blanc pour aiguiser mes compétences. Et vous connaissez la suite.

Quelles sont les contraintes auxquelles vous avez dû faire face,particulièrement dans une société qui laisse une place plutôt réduite aux femmes  ?

J’ai dû convaincre ma famille qui était contre au départ.Et ce grâce à ma persévérance, ma détermination et des sacrifices. J’ai fait face à une société marocaine qui n’encourage pas les femme en général. Mais également je devais  trouver un financement et du temps, moi qui suis mère de famille ..

J’ai dû aussi m’investir dans l’acquisition de compétences marketing. Il m’a fallu beaucoup de travail, d’acharnement et de motivation. J’ai puisé en moi-même et j’ai gardé l’espoir qu’un jour je croiserai le chemin de la personne qui  me donnerait ma chance. L’Everest a été le plus cher à financer. En étant la première femme à vouloir réussir un tel challenge, j’ai finalement pu obtenir des soutiens. 

Maintenant que vous avez  réalisé tout ces exploits comme alpiniste et femme exploratrice, comment êtes-vous perçue par les hommes  dans le monde arabe ? 

J’ai eu l’occasion d’être invitée à Dubaï, lors d’un grand rassemblement. J’ai pu faire part de mes expériences de femme alpiniste. Et rappeler aussi que mes initiatives visent aussi à casser les préjugés concernant la femme arabe et musulmane. J’ai été très bien accueillie et les hommes présents ont tous été dans mon sens. 

Comment prépariez-vous vos expéditions ?

Je travaille sur trois  dimensions toutes aussi importante l’une que l’autre.

La force physique, d’abord : le corps doit être disponible (2 à 3 heures par jour) pour tirer un traineau de 30 kg. Aussi ta vie est en jeu, donc il faut bien travailler ton corps.

La force mentale, ensuite : le yoga, la méditation, le développement personnel aller au-delà de mes limites et rester motivée.

La force spirituelle, enfin : la force divine, Allah m’aide dans mes ouvrages. Allah écoute les prières de ma mère. Pour moi, la montagne est un être vivant et je respecte la montagne, je parle avec elle.Je lui demande de l’aide et qu’elle me donne la permission de réussir. Je suis sur la même vibration que la montagne. Je suis forte grâce à elle.

Quelles sont vos relations sur le plan national et international ? Avez-vous pu créer un réseau, une communauté d’alpinistes ? 

Oui, d’abord un réseau au Maroc qui a vocation à s’élargir à l’international. L’idée est de permettre aux jeunes filles marocaines de s’investir dans tous les sports et pourquoi pas viser des médailles dans des disciplines plutôt réputées fermées.

Par ailleurs, j’ai créé un événement qui s’intitule les « Toubkal girls » pour amener les jeunes femmes à dépasser leurs limites grâce à l’alpinisme, à la randonnée, au  trial… Et ainsi permettre à ces filles de déployer leur potentiel et de croire en elles-mêmes.C’est une façon de leur ouvrir la voie et de leur permettre de se fixer des objectifs et de les atteindre en toute liberté malgré les stéréotypes.

Comment avez-vous pu  concilier votre passion pour les exploits sportifs et une vie professionnelle exigeante ? 

Au départ, je faisais cela sur mon temps libre. Une fois que je me suis engagée dans des exploits plus difficiles à atteindre là, j’étais obligée de prendre des congés pour me consacrer à ma passion, mes exploits. A ce moment-là, j’ai sollicité le ministre des Sports qui m’a soutenu et m’a permis d’avoir à chaque expédition des congés exceptionnels. 

 

Souvent, les femmes actives peuvent éprouver des difficultés à vivre une grande passion  et une vie de famille épanouie. Vous, vous avez l’air d’avoir atteint cet objectif. Avez-vous un secret à partager ?

Mon mari me supporte depuis le début dans toutes mes initiatives.J’aurais eu plus de difficulté s’il ne m’avait pas encouragé sans relâche. Il était  à mes côtés dans l’ascension du Kilimandjaro et jusqu’au camp de base de l’Everest. En ce qui concerne ma fille, au début j’ai un peu culpabilisé. Mais j’ai su faire les sacrifices en me mettant en paix avec moi-même. Ce qui m’a permis de m’engager sans réserve. Cela n’a pas été  facile avec ma fille, mais maintenant je crois être devenue une source d’inspiration pour elle.

Avez-vous un message à passer aux jeunes femmes qui vont vous lire dans nos colonnes  ? 

Je peux leur dire, ayez confiance, aimez-vous avec vos qualités et défauts. Que les femmes s’affirment. Elles ont le droit de rêver et de réaliser leurs rêves. Elles ne doivent pas s’auto-sacrifier pour leur famille et vivre en liberté leur passion, leur carrière. Elles doivent se sentir  libres de choisir leur mari et leur manière de vivre. A partir de là, elles  deviennent des personnes exceptionnelles sans être dans la comparaison. Nous sommes toutes des diamants.  Nous avons toutes quelque chose à faire, une mission de vie sur cette terre.

Propos recuillis par Sanaa Bellil 

 

      SON PARCOURS PROFESSIONNEL  

  • La première personne au Maroc a réalisé le challenge des sept sommets du monde
  • La première femme marocaine et nord-africaine à gravir l’Everest le 21 mai 2017
  • Ingénieur d’État en informatique et Télécommunication, de l’école INPT, Rabat, Maroc
  • Diplôme d’étude supérieure en gestion de HEC à Montréal, Canada
  • Fonctionnaire retraitée au ministère de l’équipement et transport à Rabat au Maroc
  • Présidente de l’association « Delta Evasion », association de nature, sport et aventure 
  • Conférencière d’inspiration et de motivation.
  • SES EXPLOITS D’ALPINISTE 
  • Kilimandjaro, Kenya, 5895 m, mars 2011.
  • Mont Blanc, France, 4810 m , juin 2011
  • L’Elbrouz, Grand Caucase, 5643 m, juin 2012,
  • L’Aconcagua, Argentine, 6962 m, janvier 2014
  • Le Denali,  Alaska,  6180,  Juin 2014
  • Puncak Jaya, Indonésie, 4884 m, novembre 2015
  • L’Éverest, Népal, 8848m,  avril 2017
  • Mont Vinson, Antartique, 4892 m, décembre 2018
  • Annapurna, 8091 m,  Népal, 28 avril 2022,

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