Japon :Aiko peut-elle devenir l’impératrice ?

Peut-on imaginer voir un jour une femme monter sur le trône  du Japon, un pays engoncé dans une tradition séculaire fermée au genre féminin ?  Peut-on rêver de voir la grande ile du Pacifique qui s’honore d’être la plus ancienne des monarchies de la planète,  établir,  à l’image de ce qui existe dans la Grand Duché du Luxembourg, une règle de primogéniture absolue qui laisse aux femmes la possibilité de régner ?

On peut rappeller que la dernière femme à avoir régné sur le royaume du Soleil levant  c »était à la fin du XVIIIe siècle. En 1824. Depuis, la lignée a toujours été masculine, c’est-à-dire qu’aucun des enfants de ces impératrices n’est devenu empereur. Pour le moment, les choses semblent gravées dans le marbre. EtLa Loi de la Maison impériale  assure clairement que « le trône impérial du Japon est réservé aux descendants mâles légitimes de la lignée mâle des ancêtres impériaux ». Ce n’est que depuis quelqes années avec un début de pénurie de descendants mâles que la question se pose par la force des choses  du côté du palais impérial de Tokyo.

Les deux potentiels prétendants au règne impérial : Aiko, l’aînée, et le cadet Hisahito

C’est peut-être la fin d’un long déni favorisé par la naissance miraculeuse en 2007 du du prince Hisahito, du moins on a pu le croire.  Alors que nous en sommes qu’aux premiers balbutiements du règne de Naruhito (1) , le gouvernement de Shinzo Abe avait alors  étudié sans se cacher  les moyens d’assurer la pérennité de la famille impériale.

Il est évident que l’attitude la plus raisonnable  serait de permettre aux femmes d’accéder au trône. Mais où en est-on aujourd’hui au pays du soleil levant?

La liste de succession au trône  se limite  à trois noms: le prince Akishino, frère cadet du nouvel empereur, 54 ans, le prince Hisahito, son fils, 19 ans, et le prince Hitachi, frère de l’empereur émérite Akihito, 89 ans. En clair, l’avenir de la dynastie  royale repose tout entier sur un unique enfant.

    Prince Hisahito ou  Princesse Aiko  ?

Il faut ajouter que cette situation est aggravée par  le fait non seulement les femmes ne peuvent régner, mais elles sont également condamnées à disparaître de la vie publique et à quitter leurs titres, devoirs et prérogatives dès l’instant où elle se marient à un roturier. L’aristocratie nippone ayant été abolie en 1947, en même temps qu’ont été déchues les dix branches cadettes de la famille impériale.La royauté japonaise est donc dans une situation précaire. Et cela fait des lustres que le problème se pose sans trouver sa solution.  En raison du nombre sans cesse plus restreint d’héritiers mâles au trône du Chrysanthème, les gouvernements japonais successifs s’interrogent régulièrement sur la transmission par les femmes.

Comme un trompe l’oeil, la naissance du prince Hisahito est venue  ralentir pour ne pas dire stopper les envies  de réformes . En 2006, les dernières résistances du très conservateur parti libéral démocrate, au pouvoir quasi sans interruption depuis la dernière guerre, sont sur le point de céder lorsqu’un petit prince voit enfin le jour, Hisahito, fils d’Akishino et de Kiko, alors âgée de 40 ans. Miracle que cette première naissance d’un garçon au sein de la famille impériale depuis son père, en 1965!  Cinquante un après . La famille royale commençait à désespérer.

L’impératrice consort Masako, mère de la princesse Aiko (23 ans) et du princèe Hisahito  (19 ans)

Les médias spécialisés ou non ainsi que la majorité jubilent. Le gouvernement de Junichiro Koizumi, sous la pression des plus radicaux,  cède et enterre tout projet de réforme de la loi de succession impériale. Mais l’empereur  Akihito mets les pieds dans le plat  en 2016 en exprimant son souhait d’abdiquer. Il espèrait ainsi  ouvrir la voie à une modification de cette loi d’airain qu’il faut de toute façon aménager pour lui permettre de se retirer. Il n’en est rien. Le Premier ministre Shinzo Abe, dont les relations avec le souverain sont loin d’être harmonieuses  refuse de  donner l’impression de se faire forcer la main et se contente de dispositions a minima autorisant le seul Akihito à abdiquer.

La princesse Aiko effectuant en mai 2025 sa première visite dans une région sinistrée de la préfecture d’Ishikawa.

C’est avec l’avènement de Naruhito sur le trône du Chrysanthème  à l’automne 2019  que le débat a pu enfin être relancé. Grâce  notamment à l’intervention d’un homme fort du du parti, en l’occurence  Akira Amari, président du comité de recherche sur les questions fiscales. Une sortie médiatique qui ressembla à un tremblement de terre à forte magnitude :  «Nous devrions en priorité établir la ligne de succession parmi les descendants en ligne masculine, dit-il le 24 novembre  la mêma année, au cours d’une intervention télévisée. Cependant, en dernier recours, nous devrions considérer la ligne féminine comme une option.» Une déclaration suivie d’effet  le 5 janvier 2020 avec cette  confirmation de l’existence  d’une étude informelle sur les moyens d’assurer la survie de la famille impériale. Établir une règle de primogéniture absolue qui laisse aux femmes la possibilité de régner.

Cette fois, Shinzo Abe est à l’initiative de la démarche et même les plus conservateurs de ses partisans ont désormais conscience de l’urgence. Les auditions d’experts ont déjà débuté, sous la houlette de Kazuhiro Sugita, secrétaire en chef adjoint du cabinet du Premier ministre. Les débats officiels ne devaient pas s’ouvrir avant le 19 avril 2020 et la cérémonie du Rikkoshi no Rei ou proclamation par Akishino de son statut de prince héritier.

Une bonne chose de faite, car on a commencé à voir des pistes de réflexion se dessiner  même si elles sèment la zizanie et la division  au sein du parti au pouvoir. La bataille entre les conservateurs et les réformistes va faire rage. Les premiers cités  veulent conserver la règle actuelle de primogéniture masculine et encourager le gouvernement à légiférer pour réintégrer au sein de la famille impériale les dix branches cadettes, déchues en 1947.

Les seconds, représentés par le secrétaire général du parti libéral démocrate, Toshihiro Nikai, ont proposé d’ autoriser les membres de la famille impériale en ligne féminine à accéder au trône au nom de l’égalité de sexes. Un choix qui permettrait à tous les princes et princesses actuels d’être successibles et ajouterait à cette liste les sept anciennes princesses mariées en dehors de la famille impériale et les cinq enfants issus à ce jour de ces unions.

Entre ces deux extrêmes, le Japon pourrait opter pour la ligne médiane qui passerait  à moyen terme par l’idée d’établir une règle de primogéniture absolue qui laisse aux femmes la possibilité de régner et leur conserve leur rang de succession et leurs titres même quand elles se marient hors de la maison impériale.

La dernière impératrice du Japon : Go-Sakuramachi (1762–1770)

Dans ces deux derniers cas, l’héritier du trône serait, non pas Akishino qui passerait au second rang dans la liste de succession, mais sa nièce, la princesse Aiko, 23 ans. Le Premier ministre  Shinzo Abe pourrait se ranger derrière cette solution médiane, à la fois pour des raisons de consensus au sein de son parti et pour des raisons électorales.  Il pourrait alors s’appuyer sur  les résultats  du dernier sondage effectué auprès de ses concitoyens, le 27 octobre 2019, Ils étaient alors très largement en faveur  du grand  chambardement : 81,9% des Japonais ont dit souhaiter avoir une impératrice régnante.

À noter que le 25 mars 2025, la  princesse Aiko, 24ans,  a vécu une grande première en juin dernier. Elle a en effet eu l’honneur d’assister en compagne de son père l’empereur Naruto et de sa mère l’impératrice Masako au banquer d’État organisé  au sein du Palais impérial de Tokyo en l’honneur du du président du Brésil  Luiz Inacio Lula da Silva,

Une rare mais simple opportunité ou bien un signe que les murs de la tradition vont finir pas s’effondrer après aoir été fissurés? Affaire à suivre.

@Fayçal CHEHAT

(1) Nahiriti est deenu le 126 empeeur du Japon en 2019. À la mort de son père qui avait régne duranr 29 ans. Sa femme Owada Masako, ancienne diplomate, qui a eu du mal ) se faire à sa nouvelle au palais impérial, est impératrice consort. Avec son histoire si particulière de femme libre et moderne, certains la compare son sort et son parcours  à celui  de l’Anglaise feue Lady Di.

2) Dans l’histoire de l’empire, seulement huit femmes (dontdeux on régné sous deux  à deux reprises sous noms différends)   ont accédé au titre d’impératrices En l’occurence, Impératrice Suiko (592–628), Impératrice Kôgyoku (642–645), Impératrice Saimei (655–661); Impératrice Jitô (686–697);Impératrice Genmei (707–715) ; Impératrice Kôken (749–758);  Shôtoku (764–770); Impératrice Genshô (715–724), Impératrice Meishô (1629–1643); Impératrice Go-Sakuramachi (1762–1770)

 

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